jeudi 28 octobre 2010

this is madness

Il y a des fois où l’on se sent vraiment un extra-terrestre. Ca me le fait parfois dans des conversations de visu et sur le net. La dernière fois où j’ai eu ce sentiment c’était il y a quelques jours quand j’ai appris que Zack Snyder allait réaliser le prochain film Superman produit par Nolan. Alors que beaucoup de gens s’enthousiasment à l’annonce de cette nouvelle, j’ai du mal de mon côté à sauter de joie à l’association de personnes s’étant rendues coupables de mauvais films de super-héros. Si j’aime énormément l’Armée des morts et, dans une moindre mesure 300 (qui révèle déjà les limites de Snyder), Watchmen est un film loupé. Une adaptation bancale d’une œuvre dense, foisonnante et tellement liée à son support d’origine qu’un copier/coller simpliste transforma en banal film qui trompa son monde de part le traitement de thème dit « adulte ». Le parti pris de Snyder trouva rapidement ses limites quand des scènes superbes dans la bd (notamment la scène d’amour entre deux personnages) devinrent ridicules à l’écran, ou quand le changement d’un final déséquilibra l’ensemble de l’histoire. Snyder est un bourrin compétent qui est capable de boucler un film dans des délais très courts et c’est justement cette qualité qu’on recherche pour le film Superman compte tenu de la perte des droits d’exploitation du personnage pour Warner si aucun film n’est sorti avant la fin de l’année 2011. Comment un mec qui n’a pas réussi à retrouver l’équilibre moral de Miller dans 300 ou l’intelligence du propos de Moore dans Watchmen, pourra t-il aborder un personnage dont le traitement est casse-gueule ?



A sa décharge il faut reconnaître que le public n’aide pas quand on voit comment le dernier film en date sur le personnage (Superman Return) est mésestimé et que la seule demande qui est faite est d’avoir un film bourrin où le fils de Krypton se battrait avec un super-méchant. Parfois je me dis qu’on a les films qu’on mérite. La transition est donc toute trouvée pour aborder le sujet principal de ce billet à savoir l’éditorial du dernier Mad Movies. Alors oui on va me dire que je me réveille tard, que c’était mieux avant, ou que je retourne ma veste. Pourtant, bien que je ne lise plus le magazine de façon régulière (et en totalité) depuis plus d’un an maintenant (pour des raisons bien plus nombreuses que la simple nostalgie du passé), j’apprécie toujours certaines plumes et je considère certaines rubriques comme supérieures à quelques autres magazines. C’est sûrement cet amour disproportionné que je porte à ce nom regroupant un magazine mais surtout un forum et un ancien site qui ont énormément compté pour moi, sur un plan professionnel et personnel, qui font que je suis à ce point outré et déçu à la lecture de l’éditorial de Fausto Fasulo dans le Mad Movies n°234 d’octobre 2010.



Comment la rubrique qui a accueilli les proses intelligentes et passionnées de Jean-Pierre Putters, Damien Granger et Vincent Guignebert peut être aujourd’hui le lieu d’une diatribe aussi peu pertinente ? En dénonçant les « fanboys ventripotents et obtus, prêcheurs de la parole geek », Fausto Fasulo se rend t-il compte qu’il est à peine au même niveau que ce qu’on peut lire sur « le net et ses ruines culturelles » ? A ce sujet comment le rédacteur en chef d’un magazine traitant du cinéma fantastique et de ses technologies avant gardistes, en arrive à se retrouver dans cette querelle de bac à sable et totalement dépassée opposant presse écrite et internet ? Ne visite t-il pas le site et le forum (ainsi que les forums satellites à celui-ci) du magazine qu’il gère pour ne pas se rendre compte que ce sont ces lieux qui ont vu naître des écrits magnifiques et intelligents sur les œuvres qu’on aime ?



En voulant régler ses comptes avec des personnes bien précises (parce que je ne vois pas d’autres raisons à ce déferlement de haine), cet éditorial se vautre dans l’amalgame le plus grossier tout en revisitant certains faits. Présenter l’Armée des morts comme un film ayant anticipé une mode et présenter ceux qui craignaient le projet comme fondateur d’une cabale contre le réalisateur est déplorable. C’est oublier d’une part le film de Danny Boyle (28 jours plus tard) sorti deux ans avant le remake de Zombie, mais c’est aussi oublier que si le film de Snyder était attendu au tournant, c’est à cause de son statut de remake d’une œuvre considérée comme intouchable et cela après une vague de remakes médiocres. Enfin, c’est surtout oublier l’excellent accueil qu’a reçu le film à sa sortie (beaucoup de craintifs ont été soulagés en voyant le résultat final) ainsi que le statut dont jouit le film encore aujourd’hui. Si Snyder est critiqué il n’est pas rare que son film de zombie soit épargné. De même il est déplorable de résumer les craintes face aux projets (300, Watchmen, Superman) de Snyder à une vulgaire descente irréfléchie du cinéaste quand les critiques se fondent avant tout sur les doutes que le style du cinéaste ne puisse pas correspondre aux projets.



Autre étonnement de ma part, ce raccourci simpliste qui consiste à renvoyer dans les cordes les détracteurs du cinéaste sur la simple opinion que se fait Fausto des films de son protégé. Ainsi les gens qui n’aiment pas les films de Snyder ont tort parce que 300 et Watchmen c’est bien ?! Au delà de la défense de certains réalisateurs, Mad Movies a toujours défendu la différence des opinions, le débat et l’échange des idées. Que fais t-on de la nature même du projet ? Quid du fait qu’on puisse considérer que le cinéaste soit à l’aise sur un film mais pas sur le suivant ? Est-ce si difficile de croire qu’on puisse apprécier l’Armée des morts et 300 mais pas un film considéré par ce même Fausto comme le premier film de super-héros adulte et ce même si Batman Returns ou The Incredibles ont été réalisés des années avant. 



Ce n’est donc pas tant la prise de position maladroite qui est critiquable que le fait d’englober toute contestation dans un même profil. Celui de l’aigri qui condamne à l’avance n’importe quel film sur la base du nom du réalisateur*. Ces propos desservent autant l’auteur de cet édito que le réalisateur qu’il défend. Défendre un cinéaste est une chose, cracher à la figure de ceux qui ne l’apprécient pas en est une autre et c’est une attitude méprisable. Il faut noter que là où l’éditorial de Fausto Fasulo est mauvais, le papier de Cédric Delelée est très bon et donne envie de voir le film bien que le pitch initial (une gamine abusée par son père et enfermée dans un asile se réfugie dans un univers imaginaire où elle est une puissante guerrière) ressemble fortement à un épisode célèbre, Normal Again (6.17), de Buffy, The Vampire Slayers. Si on ne peut encore juger le résultat final, et qu’il y a toujours un écart entre scénario de base et film à l’arrivée, force est de reconnaître que pour un film défendu comme avant-gardiste cela la fout un peu mal.

3 commentaires:

  1. Excellent texte même si je ne partage pas ton avis sur Snyder (pour moi, malgré ses choix et partis-pris d'adaptation, Snyder a un "projet artistique" -je ne trouve pas d'autres termes- qu'il injecte dans ses œuvres... Et puis bon, pour l'équilibre moral de l'œuvre de Miller, c'est pas le mec le plus politiquement modéré du monde le Frankie ^^). (Après, c'est clair que Snyder sur Superman, c'est une idée ni excitante, ni pertinente du tout !)
    Sinon, tout à fait d'accord pour le reste ;-)

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  2. Ah ben j'avais zappé ton blog ...
    Texte intéressant comme j'aime bien en lire. Certes j'aime le père Snyder (et comme Acide je considère qu'il mène un projet artistique tout personnel), mais c'est justement parce qu'on a parfois des avis différents que j'aime lire des textes comme celui-là.

    (Kissoon)

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