mardi 21 avril 2020

Batman - Detective Comics par James Tynion IV




Essayons d'être positif avec le confinement (youhouuu, oui il faut positiver on te dit ! C'est une chance ce confinement ! une expérience, un retour aux sources, une opportunité de faire le point avec toi-même. Oui comme quand tu fais caca mais là en plus long ! ALORS POSITIVE MERDE !)


Hum ! Pardon, on se laisse aller, on s'emporte et voila le résultat.


Je disais donc qu'avec le confinement j'ai du temps pour réduire ma pile de BD à lire et j'en suis arrivé au moment où je reprend l'intégralité de certains cycle avant de découvrir une fin que je n'avais pas encore pu lire.

Tout ça pour dire que j'ai enfin pu tout lire le cycle de James Tynion IV sur Detective Comics. C'est peu dire que j'ai aimé et c'est peu dire que je met ce cycle dans ce que j'ai le plus aimé dans l'univers Gothamien. Comme Gotham Central, la série adopte une approche décalée permettant d'en dire beaucoup plus sur certains personnages qu'une approche classique mettant en scène la chauve-souris en tant que personnage principal.

Si Batman est à l'origine de la création de ces Chevaliers de Gotham et s'il en reste la figure tutélaire, il n'est pas le personnage central de la série. Ici les protagonistes sont un jeune milliardaire (Luke Fox/Batwing), un ancien croisé (Jean-Paul Valley/Azrael), la fille d'un super-vilain de seconde zone (Stephanie Brown/Spoiler), son amie, véritable arme vivante, tentant de trouver un peu d'humanité en elle (Cassandra Cain/Orphan), un puissant méchant en quête de rédemption (Basil Karlo/Gueule d'argile), une femme soldat (Katherine Kane/Batwoman) et le plus intelligent des pupilles de Bruce Wayne (Tim Drake/Red Robin).

Dans ce groupe, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Clairement Batwing et Azrael apparaissent comme un duo permettant un soutien logistique important dans l’action ou dans la manière d’être des interlocuteurs pour les autres. Mais même dans ces actions qui pourraient passer pour secondaire Tynion IV prend le temps de développer ces personnages et leur offre des moments de gloire. Surtout, par leurs présences, ils participent à construire un mythe Batman incarné non par un unique personnage mais par un ensemble de représentation.

Il y a bientôt 15 ans, Grant Morrison avait entreprit un travail de longue haleine sur Batman. Un travail de synthèse, de déconstruction et de reconstruction du mythe. Avec ses épisodes de Detective Comics, Tynion IV tente une action similaire. Toutefois ce qui l’intéresse n’est pas de s’occuper de Batman directement (le personnage est par ailleurs l’objet de toutes les attentions du scénaristes Tom King dans la série Batman publiée au même moment) mais de s’attacher à son environnement et à ce qu’on appelle communément la Bat-Family.

Compère de Scott Snyder quand ce dernier officiait sur le titre Batman, Tynion IV a déjà écrit sur le Chevalier noir auparavant et on pouvait déjà voir dans les épisodes dont il avait la charge un certain intérêt pour faire revenir d’anciennes figures oubliées que ce soit Stephanie Brown ou Cassandra Cain (deux jeunes femmes ayant été Batgirl dans l’ancienne continuité et que le New52 effaça sans remord préférant remettre l’historique Barbara Gordon sous le masque, rabaissant dès lors cette dernière mais c’est une autre histoire). Il n’est donc guère étonnant que l’équipe que constitue le scénariste se compose de ces dernières et non de personnages comme Nightwing, Batgirl ou Damian Wayne. L’importance de ces derniers (ayant de plus des titres qui leurs sont consacrés) limite la marge de manœuvre. Dès lors Tynion IV préfère composer une équipe d’outsider.



Milliardaire, croisé, orphelin, hors-la-loi, monstre, soldat et génie scientifique. Si l’équipe est composée d’incarnation d’un aspect de Batman, Ils n’en sont pas moins des individus à part entière avec pour chacun une volonté d’atteindre un but grâce aux Chevaliers de Gotham. De ces compagnons, c’est bien sur le parcours de Gueule d’Argile qui est le plus tragique. Ennemi de Batman, tueur sans pitié et monstre terrifiant, Basil Karlo se confronte à son passé et cherche la rédemption en tentant de faire le bien. Si Tynion IV justifie les actes de Gueule d’Argile en expliquant le rôle de sa transformation dans l’effacement de tout repère moraux, il n’écarte jamais les conséquences des actes de l’ancien acteur et le fait emprunter un chemin de croix terrible dont la finalité n’est en rien heureuse. A l’instar d’Azrael et de Batwing, le scénariste fait fonctionner Gueule d’Argile en duo avec Cassandra Cain, la redoutable tueuse muette. Leur complicité construite au fil des épisodes est l’une des grandes forces du récit et illustre bien la manière dont Tynion IV construit la caractérisation de ses personnages. Il s'appuie sur des effets de miroirs et des rapports mentor/élève jamais figé dans le marbre. Ainsi Orphan se retrouve en Karlo et celui-ci tente de donner à la jeune femme l’espoir qu’il se refuse.

Sur cette même dynamique (duo) (forcément fallait que je la fasse), Detective Comics se pose comme l’histoire de deux personnages qu’on aurait pas imaginé voir se lier : Katherine Kane alias Batwoman et Tim Drake alias Red Robin. Corps et esprit de l’équipe, les deux super-héros vont réacquérir ici des lettre noblesses que les dernières années éditoriales leurs avaient fait perdre. Dès le premier épisode Tynion IV va repositionner Batwoman sur l’échiquier de la Bat-famille et la poser comme reine de la caste quand les deux cousins vont « officialiser » leur lien de parenté. La surprise de Bruce face au fait que sa cousine connaissait depuis longtemps son identité secrète permet d’ailleurs à Batwoman d’affirmer son rôle d’égal. Les liens familiaux seront d’ailleurs au centre de tout l’arc narratif lié à la femme chauve-souris. Avec son cousin bien sur mais surtout avec un père mentor dont on découvre la face sombre et complexe tout du long de la série.




Face à Batwoman, il y a Tim Drake. Celui qui fut Robin pendant 20 ans (de 1989 à 2009), fut par la suite mis de coté durant la période New52. Comme pour Spoiler et Cassandra, Tynion IV va procéder à une remise en forme du personnage au sein de l’univers de Batman et rappeler les rôle spécifiques qu’il tient : celui d'historien, de détective et de génie. Pour autant, et c’est probablement l’un des développements les plus intéressant de la série, Tim Drake n’est pas parfait. Après une première histoire qui le verra être mis de coté pendant un temps, Red Robin reviendra plus fort que jamais après avoir pris conscience (et le lecteur avec lui) de son potentiel en tant que successeur de Batman. Que ce soit dans ses qualités mais surtout dans les défauts, les épisodes prenant le temps de nous décrire un Tim prisonnier de son génie, le poussant dans un besoin maladif de contrôle total.

Lutte contre la Colonie, la ligue des Ombres et le Syndicat des victimes ; Combat interne pour Azrael, désir vital de rédemption pour Gueule d’Argile, prise de conscience politique pour Spoiler etc. si tous ces histoires composent la série, le fil rouge de l’ensemble se trouve dans l’opposition entre une femme soldat tentant de concilier formation militaire et croisade super-héroïque et un jeune idéaliste tentant de trouver sa voie. Les deux devant alors prendre conscience qu’il faut « tuer le père » pour y arriver. Le talent de Tynion IV sera de ne jamais appuyé cette opposition de manière constante. La gestion narrative de la série est une des grande qualité de ce titre. Entrecoupé d’épisodes bouclés destinés à apporter une pause entre deux grande sagas, Detective Comics prend le temps également de développer chacun de ses personnages que ce soit durant l’action mais aussi quand ceux-ci sont en retrait pour laisser le devant de la scène à d’autres. De façon extrêmement fluide Tynion IV construit ses intrigues futures en les préparant à l’avance sans que jamais cela fasse forcer ou que cela ralentisse le rythme des histoires. Centrée sur Gueule d’Argile, Fall of the Batmen est à ce titre un exemple parfait d’une saga offrant un final dramatique incroyable dont la construction s’est faite finement sur des dizaines d’épisodes.

Si Grant Morrison avait procédé à un travail de reconstruction extraordinaire sur Batman, il apparaît à la lecture de la globalité de son cycle que le but de James Tynion IV était de faire de même avec ses alliés. En 47 numéros, il aura marqué l’univers de Gotham. Non pas tant sur le personnage de Batman précisément mais sur des compagnons malmenés depuis quelques années et qui retrouvent ici une aura formidable.