vendredi 25 décembre 2020

Over the top

 

« T'as quelque chose à faire, là ?
 
— Oui, je bosse, pourquoi ?
 
— Parce que Patrick a fait une couillonnade et tu pourrais avoir envie de faire pareil.
 
— Ah. C'est quoi, encore ?
 
— Une image avec ses dix séries préférées !
 
— Bwhahaha, c'est vraiment nul ! Dix ? Je saurais même pas comment réduire le nombre à dix, c'est impossible, ça. Jamais je ferai une pareille bêtise. »
 
 

 

jeudi 5 novembre 2020

En avant les Blues !



Voici un anniversaire qui fait plaisir et donne envie de danser. Le 5 novembre 1980 sortait sur les écrans français The Blues Brothers. 40 ans pile, poil et voila que le film de John Landis est un quadra. Vu que c'est aussi mon cas, c'est vous dire que je pense qu'il entre dans la meilleure période la vie. Pour le coup je republie ici un texte que j'avais écrit il y a plusieurs années et que j'ai finalisé il y a 5 ans pour le Daily Mars. Bon entretemps j'ai appris d'autres trucs et il y aurait moyen de peaufiner cela mais j'ai la flemme et il y a une bluesmobile qui m'attends. 

 

 



 

 

 


L’homme est en perpétuelle quête et cherche sans arrêt des réponses à ses questions existentielles. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ? Quel est ce film de dingue où la princesse Leia se balade avec un lance-flammes, où le père de Yoda brandit un préservatif usé, et où Steven Spielberg tend un reçu à deux trublions fringués en croque-morts en mission pour le Seigneur et ayant rendu ses lettres de noblesse à une musique magique ?

Imaginez la scène qu’on aimerait être totalement réelle : un soir à Chicago, deux hommes entrent dans un petit club de blues comme il en existe des centaines dans la capitale de l’Illinois. A l’intérieur du bar, le premier se pose sur une chaise et savoure un whisky tandis que son ami monte sur scène et accompagne à l’harmonica le groupe du soir. Il se nomme Dan Aykroyd, et depuis tout jeune il voue un amour sans bornes au rhythm’n’blues. Le voilà sur scène, probablement en train de jouer In the Midnight Hour ou Hold On, I’m Comin’, pour son ami de plus en plus subjugué. Ce dernier s’appelle John Belushi, beaucoup plus nourri par le rock et le heavy metal. Mais voilà qu’il redécouvre avec délectation une musique que beaucoup jugent vieillotte. Il n’en faut pas plus pour que ce cabotin de John monte sur scène et chante avec son pote. Lui qui a prouvé son talent vocal en imitant brillamment Joe Cocker durant un numéro du Saturday Night Live, se trouve comme un poisson dans l’eau sur scène en train de revisiter les standards du blues avec Dan.

Après plusieurs soirées composées de bœufs mémorables entrecoupées de beuveries, l’idée vient à Dan et John de prolonger ce duo au sein du Saturday Night Live. Après tout, l’émission possède un très bon groupe et ça serait un excellent moyen pour chauffer la salle à l’aide de numéros musicaux et de sketches. L’idée fait son chemin, et voilà que le 17 janvier 1976, les téléspectateurs découvrent Belushi et Aykroyd en costume d’abeille en train de chanter I’m a King Bee. Dan, affublé d’une paire de lunettes noires et d’un chapeau, joue de l’harmonica tandis que John, complètement allumé, chante, bondit et rebondit dans tous les sens. Voilà donc la première apparition d’un Blues Brothers Band à la musique déjà bien rythmée mais pas encore définitive. Car les deux compères visent plus haut que de simples sketches musicaux. Ils veulent faire (re)découvrir tout un héritage musical dément à un public sevré au disco. Pour accomplir leur mission sacrée, il ne reste plus qu’à compléter le groupe, trouver une identité, un look, un nom et un tube.

 


 



Au groupe du Saturday Night Live, composé entre autres de Paul Shaffer (clavier), Tom Malone (trombone), Alan Rubin (trompette) et Lou Marini (saxophone), vont se greffer d’autres artistes issus de plusieurs courants. Avec Steve Cropper et Matt Murphy (guitares), Donald Dunn (basse) et Steve Jordan (batterie), le groupe va acquérir un style unique. L’identité ? John Belushi et Dan Aykroyd vont créer leurs alter-ego musicaux : ‘Joliet’ Jake et Elwood Blues. Deux personnages taciturnes, voire inquiétants, qui ne prennent véritablement vie que lorsque la musique commence. Descendants directs du duo Sam & Dave, Jake et Elwood doivent également beaucoup au Downchild Blues Band, groupe de blues canadien fondé par les frères Donnie “Mr Downchild” et Richard “Hock” Walsh. Pour le costume, Dan va s’inspirer du look des beatniks des années 50/60 et va rajouter les lunettes et le chapeau issus d’une pochette d’un album de John Lee Hooker. Le nom du groupe sera soufflé par Howard Shore, alors directeur musical du Saturday Night Live : The Blues Brothers. Quand au tube, il sera suggéré par Steve « The Colonel » Cropper et Donald « Duck » Dunn. Ça sera Soul Man, le standard de la soul, écrit par Isaac Hayes & David Porter et interprété par Sam & Dave. Le prêche commence le 22 avril 1978.


« We’re on a mission from God »


 

 


 

 

 

En l’espace de quelques mois, ‘Joliet’ Jake & Elwood Blues deviennent un des monuments du Saturday Night Live. Le public redécouvre une musique alors oubliée au profit de la boule disco. Le désir de Dan et John est réalisé de manière talentueuse car s’il y a bien une chose dont il faut prendre conscience, c’est qu’ils n’incarnent pas deux personnages : ils sont Jake et Elwood au plus profond de leurs âmes quand ils revêtent leur costume. En cela, ils sont aidés par un groupe fabuleux, nexus de plusieurs courants musicaux tel le mélange entre un blues électrique de Chicago et les rythmiques des cuivres de Memphis. La sortie de l’album Briefcase Full of Blues confirme alors l’excellence de ces artistes et le talent musical toujours grandissant de Dan et John, qui vont bien au-delà des simples comiques poussant la chansonnette, apportant ainsi aux Blues Brothers une légitimité dans leur démarche musicale.

Les concerts se multiplient, leur popularité augmente et John Belushi enchaîne les succès au cinéma avec notamment le génial National Lampoon’s Animal House (American College chez nous) déjà réalisé par John Landis. Il n’en faut pas plus pour pousser Universal à produire un film sur les Blues Brothers. Dan Aykroyd se met donc au travail et pond son premier script. Novice dans cette tâche, il écrit un pavé de plus de trois cents pages racontant, avec force détails, l’origine des Blues Brothers, l’histoire du film et sa suite. Nommé réalisateur, John Landis va épurer un maximum ce scénario pour en extraire l’histoire la plus simple. Celle-ci tournera autour des grands standards que Belushi et Aykroyd auront choisi, fera la part belle aux numéros musicaux et rendra hommage aux grands noms du blues.

 


 



Alors que le script n’est pas encore finalisé, le tournage commence. Celui-ci se déroule entièrement dans l’Illinois et à Chicago, dans une bonne humeur communicative et dans la démesure. Ainsi, c’est en faisant un repérage dans un centre commercial abandonné depuis plus d’un an que Dan a l’idée d’y tourner une poursuite en voiture au milieu de la foule de consommateurs. Il en va de même pour la suite. La production obtient l’autorisation de tourner au sein de Chicago, et Landis s’en donne à cœur joie, filmant pas moins de trente-quatre voitures fonçant à plus de 150 km/h dans les rues de la ville. Niveau musique, les Blues Brothers vont s’adjoindre les talents de Cab Calloway (Curtis), Ray Charles (patron de la boutique Ray’s Music Exchange), James Brown (le révérend Cleophus James), Aretha Franklin (Mrs Murphy) et John Lee Hooker (Street Slim). Une magnifique brochette de talents considérés comme has been à l’époque. L’arrivée de Carlton Jonhson est également déterminante sur le film et le groupe. Il chorégraphie tous les numéros musicaux, et son influence se ressentira sur les performances scéniques du groupe.

Le film sort le 20 juin 1980 et le 5 novembre de la même année en France. A peine libéré de prison, Jake apprend que l’orphelinat dans lequel ils ont grandi, lui et son frère Elwood, va être vendu si les 5 000 dollars que réclame le fisc ne sont pas versés d’ici cinq jours. Afin d’empêcher cela, ils décident de reformer leur groupe de rhythm’n’blues. Cependant, si certains de leurs musiciens sont faciles à trouver et à convaincre, d’autres sont beaucoup plus réticents à quitter leur job et leur femme pour repartir sur les routes. Qu’importe pour les Blues Brothers, convaincus d’être en mission pour le Seigneur, ils n’hésitent pas à se mettre à dos un groupe de country, la police, des nazis, l’armée et le pire de tout, une femme amoureuse.



« Use of unnecessary violence in the apprehension of the Blues Brothers has been approved »

 

 



Tout le comique du film est basé sur une idée simple. Jake et Elwood sont en fait de grands enfants qui ont une vision basique de l’univers. Il y a le bien (leur orphelinat, le blues, Curtis, etc.) et le mal (les autorités qui veulent faire fermer l’orphelinat, les nazis, etc.). Un manichéisme primaire, donc, qui engendre alors des clashs jouissifs. La police les empêche de remplir leur mission ? Ils s’enfuient en dévastant un centre commercial. Un des membres du groupe refuse de rejouer ? Ils viennent dans le restaurant où il travaille en tant que maître d’hôtel et lui foutent la honte de sa vie en draguant les clientes et en bouffant comme des porcs. Un humour potache (le premier gag du film concerne une capote trouée) soutenu par Jake et Elwood, deux frères taciturnes qui, au travers de leurs Ray-Ban, voient le monde en noir et blanc. D’ailleurs, ces lunettes de soleil font partie intégrante d’un tout qui nous révèle la véritable nature des Blues Brothers. Ils sont des super-héros avec leurs costumes et leur cachette secrète où est rangée la Bluesmobile (visible dans la version longue du film), un véhicule doté de capacités extraordinaires tout comme ses propriétaires qui, en plus d’adopter une multitude de poses iconiques, sont aussi dotés de pouvoirs hors du commun.


Lors d’une interview, John Landis avait résumé le message du film en faisant un bras d’honneur à la caméra et en se marrant. En donnant des capacités dignes de super-héros de comic books à leurs personnages, Dan Aykroyd et John Belushi vont justifier de manière simple toute la démesure du film. La fameuse suspension d’incrédulité fonctionne ici à merveille. Qu’importe qu’il soit impossible d’échapper à l’explosion d’un immeuble ou à celle d’une cuve d’essence, ou bien encore de réussir à fuir la police, des nazis, des rednecks, des pompiers, des CRS, et l’armée, tout cela en même temps… Le fait est que non seulement on y croit mais on s’en régale. Rien n’est plus jouissif que de voir deux grands gamins envoyer chier de multiples institutions castratrices ou fascistes, surtout quand ce règlement de compte sur fond de rhythm’n’blues endiablé se double d’un concert de tôles froissées.

 


 

 


The Blues Brothers est connu pour ses scènes de poursuites automobiles absolument ahurissantes. Cela commence par une Bluesmobile franchissant l’énorme gouffre qui sépare les deux parties d’un pont pour se finir avec une course anthologique au sein même de Chicago (chose très rare à l’époque, du fait d’un décret municipal interdisant les tournages de poursuite dans la ville). Entre ces deux morceaux de bravoure, on assiste à plusieurs scènes durant lesquelles Elwood pilote sa voiture tel un cartoon des Fous du volant. Depuis le film, la Bluesmobile est entrée dans le panthéon des voitures de légende, tout en devenant un élément incontournable de la mythologie des Blues Brothers. Toutes ces scènes de poursuite sont réglées et chorégraphiées avec autant de minutie que les numéros musicaux. Car n’oublions pas que The Blues Brothers est aussi, et avant tout, un énorme et fabuleux concert. 




« And now ladies and gentlemen, it is the distinct pleasure of the management to present to you, the evening’s star attraction. Here they are back after their exclusive three year tour of Europe, Scandinavia and the sub continent. Won’t you welcome from Calumet City Illinios, the show band of Joliet Jake and Elwood Blues. The Blues Brothers »

 

 


La démesure du film a eu comme conséquence fâcheuse de mettre en retrait son aspect musical. Pourtant, la multitude de guest stars, la diversité dans les numéros musicaux et la bande originale de grande qualité font que le film sera également une réussite sur ce plan là. Dan et John ont gardé la même ambition de faire redécouvrir le blues. Il n’est donc pas étonnant de constater que le film est une immense et belle déclaration d’amour à Chicago et à ces musiciens et chanteurs. Au lieu de se reposer sur leurs lauriers et de mettre en images leur premier album, Dan Aykroyd et John Belushi vont plus loin et nous font découvrir d’autres horizons. Ainsi, nous apprécions ici et là des scènes contemplatives où Jake et Elwood se promènent dans les rues de leur ville au rythme du Peter Gunn Theme d’Henry Mancini, de Sweet Home Chicago de Robert Johnson, de She Caught the Katy de Taj Mahal ou sur les mesures de guitare de John Lee Hooker. De même, James Brown, Aretha Franklin, Cab Calloway et Ray Charles vont connaître ici une renaissance fabuleuse.


Les chansons seront enregistrées en préproduction pour ensuite pouvoir filmer les performances au sein du film. Seuls Aretha Franklin et James Brown ne se prêteront pas à l’exercice. N’arrivant pas à chanter en play-back, ils chanteront sur le plateau de tournage. Au final, les numéros de tous ces monstres du blues sont inoubliables. Leur diversité les rend unique et la lassitude ne pointe jamais. James Brown donne un prêche tonitruant dans une église tandis qu’Aretha Franklin fait une scène de ménage rythmée à son homme (et ce n’est pas hasard si la version de Think qui s’impose aujourd’hui à nos oreilles est celle du film). Même s’ils se tiennent en retrait par rapport à leurs aînés, les Blues Brothers ne sont pas pour autant à la traîne. Quand ils ne se font pas poursuivre par la police sur les chansons de Sam & Dave, Jake et Elwood reprennent un standard de série télé western dans un bar country bourré de rednecks et mettent le feu sur scène pour le mythique Everybody Needs Somebody to Love, l’apothéose musicale du film.







The Blues Brothers est un miracle, une déclaration d’amour doublée d’une comédie irrévérencieuse où tout le monde en prend pour son grade. Et au-dessus de tout ce bordel, règnent deux trublions dont la mission pour le Seigneur est de faire swinguer la planète.









jeudi 15 octobre 2020

Dans un endroit où tout le monde vous écoute


 

 

 

 

Attention c’est les soldes. Deux pour le prix d’une !

Si on peut débattre dans la joie et la bonne humeur pour savoir qu’elle est la meilleure sitcom américaine des années 90, 2000 ou 2010, il n’en est cependant pas de même pour les années 80. L’évidence s’impose, la meilleure sitcom de cette décennie est Cheers.

 

 


 

 

 

Cheers est le nom d’un bar de Boston tenu par Sam Malone (Ted Danson), un ancien joueur de baseball dont la carrière fut stoppée par une blessure et par un penchant pour la bouteille. Repenti du goulot, Sam voit passer dans son bar une multitude de gens aux histoires bien différentes et comme dans bien des bars, il a ses habitués. Parmi eux Cliff Clavin (John Ratzenberger), postier célibataire et surtout Norm Peterson (George Wendt) un employé de bureau au quotidien maussade qui ne trouve de réconfort que dans ce lieu où il a une place attitrée et où tout le monde connait son nom (et le hurle chaque fois qu’il rentre, effet récurrent de la série).

Pour servir tout ce beau monde, Sam est aidé de Carla Tortelli (Rhea Perlman) un petit bout de femme au fort caractère, d’Ernie Pantusso (Nicholas Colasanto) ancien coach de Sam et qui a du prendre beaucoup de balle dans le crane pour ne plus avoir les idées bien en place et enfin de la nouvelle Diane Chambers (Shelley Long), une jeune étudiante en littérature qui fait assez tache d’huile dans un telle environnement mais qui saura s’y fondre tout en conservant sa ridicule préciosité.

Désireux d’avoir une œuvre sur laquelle ils auraient le contrôle total, les frères Glen et Less Charles proposèrent l’idée d’une série sur un duo amoureux à la « je t’aime/mon non plus » dans un contexte professionnel. Le monde du travail est le deuxième environnement des sitcoms (après celui de la famille) et les Charles sont des familiers des séries de ce type puisqu’ils firent leurs armes sur M.A.S.H (situé dans un hôpital d’un camp militaire durant la guerre), sur The Mary Tyler Show (qui suit la vie d’une jeune femme travaillant pour une chaîne de télévision) et surtout sur Taxi (le quotidien d’une société de taxi avec notamment Danny DeVito, Andy Kauffman, Christopher Lloyd et Tony Danza) sur laquelle Glen et Less furent à la tête de l’écriture.

L’idée de faire une série se déroulant dans un bar vient du troisième larron, James Burrows le principal réalisateur des épisodes de Taxi. Il s’inspira en fait d’une sitcom radiophonique Duffy’s Tavern diffusée sur CBS puis NBC (alors des radios) entre 1941 et 1951 co-créé et écrite par Abe Burrows, son propre père.

Outre l’originalité du lieu et la facilité à faire venir une multitude de personnages variés, l’un des avantages de situer Cheers dans un bar fut que les compères écumèrent les tavernes pour récupérer un nombre conséquent de dialogues et répliques (le personnage de Norm en profita largement).

De fait Cheers est une série incroyablement réaliste mais surtout d’une grande énergie. Les répliques fusent, le rire devait être là toutes les 15/20 secondes et l’ensemble est porté par des comédiens au diapason avec en tête un Ted Danson remarquable. Le couple qu’il forme avec Shelley Long deviendra l’un des plus mythique de la télévision. Cheers, c’est la série qui fait entrer les sitcoms dans une nouvelle ère, qui redynamise le genre en lui apportant un nouveau standard d’écriture et c’est surtout une série qui reste dans les cœurs pour ses personnages et ce lieu auquel on reste attaché (bon après faut avouer que si, comme moi, vous avez eu votre propre chaise à un bar la série vous parlera encore plus). Cheers a influencée toute la production comique des années 90. En premier lieu Friends dont le rythme, l’humour et les interactions sont directement hérités de Cheers (et pour cause aussi, le réalisateur principal de Friends n’est autre que James Burrows). La relation Ross/Rachel découle de celle de Sam et Diane et on peut se rappeler d’une des scène fameuse du mariage de Ross et Emilie à Londres durant laquelle Joey pleure en voyant le générique de Cheers à la télévision.

Cheers dura 11 saisons entre 1982 et 1993. Durant cette période, le casting de la série évolua beaucoup. Du fait du décès de Nicholas Colasanto durant la troisième saison, le coach tirera sa révérence et le jeune, candide et incroyablement attachant Woody Boyd (le premier grand rôle de Woody Harrelson) arriva. Shelley Long quittera le bar à la fin de la 5ème saison et Kirstie Alley deviendra la nouvelle patronne du Cheers sous les traits de Rebecca Howe.

Ce changement mis fin à la grande valse/combat de boxe amoureuse entre les personnages de Sam et de Diane. Une parade qui rythma la série pendant cinq années et qui firent les grands jours du show. L’histoire d’amour entre Sam et Diane connue des hauts et des bas, des moments d’amours mais aussi des passages à vide. Durant la troisième saison, Diane eu une histoire avec un autre homme, un psychiatre avec qui elle pu partager son amour des arts et de la culture. L’histoire se finie quand elle le quitta devant l’autel lors de leur mariage. Dépité, le psychiatre revient cependant au bar et en devient alors un de ses habitués. Cet homme à l’allure hautaine, a la grande verve et à l’emportement facile détonne face aux cols bleu qui hante le lieux mais deviendra pourtant un des piliers du bar de même que la femme qu’il rencontra quelques temps après et qui deviendra son épouse.

Cet homme, vous l’aurez compris, c’est Frasier Crane

Interprété par Kelsey Grammer, Frasier devient donc un des piliers de Cheers grâce notamment au talent de son acteur. Durant la série, il fut nominée deux fois pour les Emmys Award sans jamais le recevoir toutefois. A la fin de Cheers en 1993, NBC voulu capitaliser sur le succès de la série et lancer un spin-off. Ça n’aurait pas été le premier d’ailleurs puisque Cheers a engendrée auparavant The Tortellis centrée sur Nick Tortelli (le terrifiant mais aussi drôle Dan Hedaya) l’ex-mari de Carla et sa nouvelle épouse Loreta. La série dura 13 épisodes et fut annulée suite à de mauvaises audiences et la très mauvaise image qu’elle donnait des Italo-américain.

Si NBC envisagea un spin-off sur Sam Malone ou Woody mais c’est le projet de David Angell, Peter Casey et David Lee qui emporta l’adhésion. Probablement parce qu’à la base, le trio ne voulait pas faire de spin-off. Scénaristes de la série durant la huitième saison (notamment), Angell, Casey et Lee s’entendirent si bien avec Kelsey Grammer qu’ils se firent la promesse de créer une série ensemble à l’issue de Cheers. Quelques temps plus tard, le trio créa la série Wings (sitcom se déroulant dans un petit aéroport avec Tim Daly, Steven Weber et Tony Shalloub notamment) qui vit l’apparition de plusieurs personnage de Cheers dont Frasier et Lilith Crane.

Avec Grammer, ils eurent d’abord l’idée d’une série sur un milliardaire paraplégique travaillant de chez lui et sur son infirmière espagnole mais cela ne fonctionna pas et NBC insista pour que Grammer reprennent son rôle de Frasier. Ce dernier accepta à la condition d’avoir peu de lien au départ avec Cheers. De cette décision découla l’idée de faire déménager à Seatle un Frasier tout juste divorcé. Ainsi on éviterait la venue de personnage de Cheers durant un temps.

Ne voulant pas enfermer Frasier dans un cabinet de consultation (trop ennuyeux) et ne voulant plus jouer que sur le domaine professionnel, Angell, Casey et Lee voulurent alors d’avantage mettre en avant la vie privée de Frasier (vie qu’on voit au final peu dans Cheers, du moins dans le contexte même). Le déclic vient de David Lee quand il proposa de confronter Frasier Crane à son père. Lee voulait explorer une situation qu’il vivait lui-même, celle d’avoir un père dont la vie et les centres d’intérêts sont totalement opposés au sien. Avec cette idée en tête (et quelques ajustement), le reste découla naturellement

 

 


 

 

 

Frasier vit donc à Seatle depuis quelques mois et il est maintenant l’animateur radio d’une émission dans laquelle les gens l’appellent pour lui parler de leurs problèmes. Roz Doyle (Peri Gilpin) est sa productrice. Elle n’a pas sa langue sa poche et est une femme active qui croque la vie et les hommes à pleine dents.

Mais Frasier revient à Seatle auprès de sa famille. Si sa mère est décédée, son père, Martin Crane (John Mahoney) lui, est bien vivant. Un père avec qui, il ne s’entend pas et avec qui il n’a guère de points communs. Mais les circonstances vont faire que ce dernier, ancien policier à la retraite suite à une blessure reçue en service, va devoir vivre dans l’appartement de son fils.

Frasier a également un frère, Niles qui est lui aussi psychiatre et qui évolue dans les cercles de l’élite de Seatle du fait de son mariage avec Maris, une femme fortunée. Niles n’était pas forcément envisagée lors de la création de Frasier. Lors d’un show télé avec Grammer et David Hyde Pierce, les créateurs furent frappés de la ressemblances et surtout de la connivence entre les deux acteurs. Ils proposèrent alors à Hyde Pierce le rôle, créé pour lui, de Niles. Ce personnage permet également d’avoir un contrepoids à Frasier et est présenté par ses créateurs comme « Ce qu’aurait pu être Frasier s’il n’était pas allé à Boston et s’il n’était pas devenu un régulier du Cheers ».

Avec Niles va se mettre également en place un fil rouge narratif qui se déroulera tout du long de la série. Celui de son attirance puis de son amour pour Daphne Moon (Jane Leeves), infirmière anglaise embauchée pour s’occuper de Martin. A ce tableau nous pouvons rajouter Eddie, le chien de Martin et ennemi juré de Frasier ainsi que Maris Crane personnage si horrible tant mentalement que physiquement que les créateurs ont trouvés bien mieux de ne jamais la montrer. Frasier va donc raconter le quotidien de Frasier Crane composé de son émission de radio, de ses discussions au café avec son frère, de ses amours et de la reconstruction d’un lien avec son père.

Débutée en 1993, Frasier va durer 11 saisons. Jusqu’à 2016 elle fut la série la plus primée aux Emmy’s Award (37 récompenses, battue depuis par Games of Throne qui en a reçu 38) et le personnage de Frasier Crane est l’un (et je crois même, le) des personnages à la plus longue longévité télévisuelle.

Frasier est avec Friends et Seinfeld, la meilleure sitcom de son époque. Si l’on devait faire un rapide résumé, on pourrait dire que son humour est un mélange des deux. Jouant fortement sur le vaudeville, la série se permet des grands délires visuelles (notamment dans ses scènes post génériques toujours muette) tout en jouant sur des jeux de mots et de langage assez savoureux. Si on voulait être prétentieux comme Niles on pourrait dire que la série est sophistiquée. Mais sa force est justement de ne jamais trop se prendre au sérieux et de savoir « rabaisser » ses personnages (du moins Frasier et Niles). Cela en jouant avec les personnages de Roz, Daphne et surtout Martin dont la philosophie de vie fait vite redescendre du piédestal ses fils.

La série propose des grands moments et de grands épisodes. Généralement basés sur les quiproquos (The Ski Lodge dans lequel les personnages passent un week-end dans un chalet persuadé que l’un des autres personnages veut coucher avec un autre est un des meilleures exemples de ce que la série est capable de faire dans le genre porte qui claque, personnage qui entrent et qui sortent et situations de plus en plus ubuesque) ou la construction lente mais certaine d’une catastrophe en temps réel (Frasier et Niles qui veulent ouvrir un restaurant, Daphne qui veut faire un diner sophistiquée, Frasier qui veut créer une pièce radiophonique mais virent tous les acteurs). Surtout elle peut compter sur des acteurs incroyablement doués avec en tête le duo Kelsey Grammer et David Hyde Pierce qui est une véritable montre suisse tant il a la minutie du tempo comique en lui.

La série n’est pas avare en guest mais l’une de ses particularité est que la majorité sont des guest vocales. Des acteurs ou actrices connus qui jouent des auditeurs appelant Frasier pour leur parler de leurs problèmes. Attention la liste est longue, en voici une partie

Gillian Anderson, Kevin Bacon, Halle Berry, Mel Brooks, Cindy Crawford, Billy Crystal, Phil Donahue, David Duchovny, Hilary Duff, Olympia Dukakis, Carrie Fisher, Jodie Foster, Art Garfunkel, Macaulay Culkin, Elijah Wood, Linda Hamilton, Daryl Hannah, Ron Howard, Eric Idle, Jay Leno, Laura Linney, John Lithgow, Yo-Yo Ma, William H. Macy, Henry Mancini, Reba McEntire, Helen Mirren, Estelle Parsons, Freddie Prinze, Jr., Christopher Reeve, Carly Simon, Gary Sinise, Mary Steenburgen, Ben Stiller, Marlo Thomas, Lily Tomlin , et Eddie Van Halen

Frasier est une grande sitcom qui a influencée beaucoup d’autres (Curb Your Enthousiasm peut lui dire merci pour certain aspect), extrêmement drôle, elle manie un sens aiguë du langage (et vraiment du langage, le parler de la série est une de ses forces) et des personnages qu’on se prend à aimer de plus en plus et à souhaiter voir grandir et être heureux. Diffusée sur SérieClub, la série est hélas très peu connue en France (encore moins que Seinfeld qui est déjà peu connue c’est dire). On peu toutefois la voir en DVD en zone 2 français pour les 1eres saisons ou dans un coffret intégral pas cher en Z2 UK. 

 

 


 

 

 

 

dimanche 27 septembre 2020

A house, in the middle of the X

 



J'étais circonspect face aux retours que j'ai eu de ces deux mini-séries relançant l'univers mutants. Certains événements me semblait étranges, les séries à suivre me semble peu intéressantes mais surtout l'approche me semblait à l'opposé même de ce que j'aimais chez les X-Men. Et pourtant en finissant le quatrième et dernier numéros j'ai ressenti un truc que j'ai pas ressenti concernant la production actuelle de comics de super-héros depuis quelques années. L'envie de relire. Alors je suis pas forcément fan de l'approche (fondamentalement on laisse de coté un certain rêve utopique pour une approche plus pragmatique assez réaliste...mais pas moins flippante) mais Hickman fait quelques choses qui était nécessaire à faire chez les X-Men depuis une bonne quinzaine d'année : 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
Et ça fait du bien c'est clair. 
 
 
 
L'idée maitresse des deux mini-séries concernant un personnage clé est vraiment passionnante dans son potentiel et son utilisation et il y a une manière de piocher dans les idées des prédécesseurs pour poser de nouvelles conditions qui est intéressantes (reprendre une inventions de Brian Bendis qui l'utilisait grossièrement pour l'inclure dans une idée autrement plus incroyable c'est beau). Après si on aime pas ce qu'a fait Hickman sur Les Quatre Fantastiques ou sur les Vengeurs faut passer son chemin. Pour ma part j'aimais bien mais avec le rapport émotionnel que je peux avoir sur les mutants j'ai navigué entre la joie de voir des trucs de fou dans la prise en compte de tout ce que l'univers mutants peut utiliser (de la magie au space-opera) et la tristesse de voir la fin d'un rêve au profit d'une approche plus "dure". 
 
 
 
Il se dégage également un certain sentiment de voir un grand plan être mise en place par les architectes mais dont on oublie tous les ouvriers. J'espère que ça sera moins le cas avec les séries à suivre. Enfin à l'heure actuelle, je ne sais toujours pas si je vais les suivre. Oui j'ai de gros dilemme
 
En tout cas j'étais assez circonspect et je ressort assez enchanté. Je crois que ça m'avait pas fait cela depuis le run de Grant Morrison.

samedi 5 septembre 2020

If we took a holiday, Took some time to celebrate, Just one day out of life, It would be, it would be so nice

C'est les vacances et comme d'habitude je pars avec trois fois plus de livres et BD que j'aurais le temps de lire. Mais bon, il y a comme une sensation de bien être à emporter plus de lecture que nécessaire. Ce plaisir de faire un choix, le fait de se dire que c'est à disposition même si on n'a pas le temps de lire. Un ami m'avait envoyé le lien vers un article qui décrivait les raisons d'une telle sensation chez les gens qui ont toujours une pile de livre à lire énorme ou bien une bibliothèque remplie d'ouvrage qu'ils ne liront plus (ou qu'ils ne liront jamais). Le truc..........ben c'est que je ne l'ai toujours pas lu cet article. 


Faudra que je m'y penche. Bon en attendant le sac est prêt alors voyons voir : 




- Superman - Identité Secrète : Ça fait parti des BD que je prendrais sur ile déserte. C'est un chef d’œuvre. Urban Comics le ressort à l'occasion de la sortie de Batman - Créature de la nuit du même scénariste et avec une approche similaire. Vu que je vais le choper à mon retour, voila une bonne occasion de relire cette perle. Dans le genre anecdote personnelle qui flatte l'ego c'est aussi cette histoire qui fut le premier sujet abordé lors de ma rencontre avec François Hercouët, le directeur éditorial d'Urban Comics, lors du 1er Paris Comics Expo (cherchez la date moi et ma mémoire de gruyère on s'en rappelle pas). Identité Secrète n'avait pas encore était ré-édité et ne le serait pas avant un ou deux ans mais j'avais écrit un article dessus sur le Daily Mars (parce que c'est bien de parler de ce qui sort, c'est bien aussi de susciter la curiosité de ce qui existe depuis longtemps) et François m'avait alors avoué à quel point il adorait cette histoire et qu'il avait hâte de l'éditer et que mon papier lui avait fait plaisir. Ça flatte l'ego d'un apprenti écriveur je vous le dis. Marrant comment cette BD est associer à des souvenirs de belles rencontres et d'amitiés. A l'origine c'est un ami très cher qui me l'a fait découvrir. Il m'hébergeais un soir et les numéros VO trainait dans son salon (c'est un gros consommateur de issues principalement pour le dessin et ils avaient pris ces quatre numéros pour ceux de Stuart Immonen. J'ai lu ca le soir avant de dormir et j'ai pas pu lâcher tellement c'était bon. 

- Fantastic Four - The End : Une mini-série écrite et dessinée par Alan Davis et qui raconte ce qui devrait être la dernière aventure des Quatre Fantastiques. C'est beau et épique, un certain idéal pour ceux qui adorent cette famille de super-héros. Va falloir que j'en recause un peu plus

- Excalibur Classic - Tome 1 : Toujours du Davis (avec Claremont au scénario). Bon là c'est ce que je préfère de lui, c'est une de mes séries préférées de tous l'étang. Vu que j'ai récupéré tous les numéros jusqu'au départ définitif de Davis, c'est l'occasion de tout lire. 

- La jeunesse de Picsou - Tome 2 : Une vielle édition en kiosque qui regroupe les numéros 0 et Bis de la mini-série de Don Rosa. Pareil, territoire connue, relecture agréable en vue

- X-Men/Les Jeunes Titans : Une époque ou DC et Marvel avaient des projets en commun. La réunion des deux meilleurs séries des éditeurs par un dessinateur que j'adore la aussi au plus haut point : Walter Simonson. J'avais lu cette histoire alors que je connaissais assez peu Les Jeunes Titans mais depuis j'ai découvert et adoré la série grâce à l'édition d'Urban Comics (jetez vous dessus c'est de la bonne). Je me demande bien comment je vais redécouvrir tout cela.

- Maison Ikkoku - Tome 2 : Tiens au final c'est la seule BD que je découvre réellement. J'ai vraiment accroché au premier tome à un point que j'aurais pas cru. J'aimais bien la série d'animation (Juliette, je t'aime chez nous) mais le manga m'emporte d'avantage. Probablement du fait qu'il n'y a la aucune censure. 

 

 

 Bon en fait c'est surtout niveau livre que j'explore des territoires inconnus vu qu'il n'y a que Shining que je connais. Pour les autres : 



- L'éducation de Stony Mayhall : Je suis dans l'exploration du travail du travail de Daryl Gregory que j'ai découvert avec l'excellent Nous allons tous très bien, merci. J'ai entendu grand bien de ce roman, on va voir

- 87ème District - Tome 2 : Bon c'est un omnibus donc c'est en fait 6 ou 7 romans à l'intérieur. Il y a de quoi faire et je vais pas avoir du mal à dévorer cela tant la première fournée m'avait emportée. J'adore cette idée de romans centré non sur un héros mais sur un commissariat en entier. Ça date des années 50, c'est extrêmement moderne dans le style et ca a influencé plein de séries télévisées. 

- La Huitième Couleur : Depuis le temps que je dis que je veux découvrir l’œuvre de Terry Pratchett. L'occasion est donnée. 

- L'espace d'un an : Alors là c'est total saut dans l'inconnu. J'ai pris le bouquin sur la base d'une recommandation d'un ami. Si c'est nul, je sais où t'habite Étienne !



Bon ca devrait le faire. La grande question maintenant c'est de savoir avec combien de livres je vais revenir vu qu'on a tendance à faire la tournée des bouquinistes et autres lieux où l'on vend ces objets du diable.

jeudi 3 septembre 2020

Darktown par Thomas Mullen


Récit amer d'une
enquête menée en parallèle par deux hommes proches dans l'esprit mais très éloignés par le reste. C'est passionnant à lire, Thomas Mullen sait très bien construire son récit en prenant de face tous les aspects du postulat qu'il pose. Ancien vétéran de la guerre où il fut en charge de faire visiter les camps de la mort aux Allemands, Rake subit un dilemme quotidien entre son devoir, son sens de l'égalité et le fait qu'il bosse avec un ripou ou que certains membres de sa famille kiffe le Klan. Boggs est noir et doit chaque jour composer avec le rôle de symbole qu'il s'est donné (il est l'un des huit premiers policier noir d'Atlanta), la réalité du terrain, le fait que sa communauté le traite de pourri vu qu'il fait son job de flic et les préoccupations politique d'un paternel tout puissant. 

1er roman d'une série dont l'intérêt est de placer ses intrigues à une époque où les noirs n'ont aucune autorité même en portant l'uniforme de la police mais surtout de confronter deux hommes qui pourrait être frère si le racisme puissant et systémique n'était pas ancré. Mullen nous montre à quel point la lutte est difficile, dangereuse et faites de concessions avec les autres et sois-mêmes pas forcément facile à avaler. Au delà de ça c'est aussi un récit policier classique et bien foutue avec une bonne gestion de l'intrigue, de ses rebondissements et une très belle mise en place du cadre. 

Chose amusante. Quand je découvre un livre, j'ai le réflexe d'associer les personnages avec des acteurs ou actrices. C'est très rare que je "crée" moi-même le physique d'un personnage (ça arrive bien sur mais c'est rare et alors si j'ai vu une adaptation du roman que je lis c'est mort). Du coup venant de regarder l'excellente série Perry Mason diffusée sur HBO (OCS en France), j'ai instinctivement donné les traits de l'acteur Matthew Rhys à l'officier Rake et celui de Chris Chalk à l'officier Boggs. Dans Perry Mason, Chalk joue un rôle équivalent, celui de l'officier Paul Drake dans la série.

Or dans les romans et dans la première série télévisée, Drake est un personnage blanc (interprété par William Hopper dans la série mythique de 1957). Le fait de changer sa couleur de peau fait d'ailleurs que le traitement des officiers noirs dans la police dans les années 30 est abordée avec une approche qui est au centre de Darktown, le roman datant de 2015 on peut se demander si celui-ci n'a pas été une source d'influence pour la série télévisée.





"Atlanta, 1948. Répondant aux ordres d'en haut, le département de police d'Atlanta est forcé d'embaucher ses premiers officiers noirs. Parmi eux, les vétérans de guerre Lucius Boggs et Tommy Smith. Mais dans l’Amérique de Jim Crow, un flic noir n'a pas le droit d'arrêter des suspects, de conduire des voitures de police ou de mettre les pieds dans les locaux de la police… Quand une femme métisse disparaît après avoir été vue pour la dernière fois dans la voiture d’un édile blanc, Boggs et Smith soupçonnent leurs collègues de vouloir étouffer l’affaire. Leur enquête les confrontera à un policier brutal qui dirige depuis longtemps le quartier."

 

 

Darktown

Auteur : Thomas Mullen

Traductrice : Anne-Marie Carrière


mardi 21 avril 2020

Batman - Detective Comics par James Tynion IV




Essayons d'être positif avec le confinement (youhouuu, oui il faut positiver on te dit ! C'est une chance ce confinement ! une expérience, un retour aux sources, une opportunité de faire le point avec toi-même. Oui comme quand tu fais caca mais là en plus long ! ALORS POSITIVE MERDE !)


Hum ! Pardon, on se laisse aller, on s'emporte et voila le résultat.


Je disais donc qu'avec le confinement j'ai du temps pour réduire ma pile de BD à lire et j'en suis arrivé au moment où je reprend l'intégralité de certains cycle avant de découvrir une fin que je n'avais pas encore pu lire.

Tout ça pour dire que j'ai enfin pu tout lire le cycle de James Tynion IV sur Detective Comics. C'est peu dire que j'ai aimé et c'est peu dire que je met ce cycle dans ce que j'ai le plus aimé dans l'univers Gothamien. Comme Gotham Central, la série adopte une approche décalée permettant d'en dire beaucoup plus sur certains personnages qu'une approche classique mettant en scène la chauve-souris en tant que personnage principal.

Si Batman est à l'origine de la création de ces Chevaliers de Gotham et s'il en reste la figure tutélaire, il n'est pas le personnage central de la série. Ici les protagonistes sont un jeune milliardaire (Luke Fox/Batwing), un ancien croisé (Jean-Paul Valley/Azrael), la fille d'un super-vilain de seconde zone (Stephanie Brown/Spoiler), son amie, véritable arme vivante, tentant de trouver un peu d'humanité en elle (Cassandra Cain/Orphan), un puissant méchant en quête de rédemption (Basil Karlo/Gueule d'argile), une femme soldat (Katherine Kane/Batwoman) et le plus intelligent des pupilles de Bruce Wayne (Tim Drake/Red Robin).

Dans ce groupe, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Clairement Batwing et Azrael apparaissent comme un duo permettant un soutien logistique important dans l’action ou dans la manière d’être des interlocuteurs pour les autres. Mais même dans ces actions qui pourraient passer pour secondaire Tynion IV prend le temps de développer ces personnages et leur offre des moments de gloire. Surtout, par leurs présences, ils participent à construire un mythe Batman incarné non par un unique personnage mais par un ensemble de représentation.

Il y a bientôt 15 ans, Grant Morrison avait entreprit un travail de longue haleine sur Batman. Un travail de synthèse, de déconstruction et de reconstruction du mythe. Avec ses épisodes de Detective Comics, Tynion IV tente une action similaire. Toutefois ce qui l’intéresse n’est pas de s’occuper de Batman directement (le personnage est par ailleurs l’objet de toutes les attentions du scénaristes Tom King dans la série Batman publiée au même moment) mais de s’attacher à son environnement et à ce qu’on appelle communément la Bat-Family.

Compère de Scott Snyder quand ce dernier officiait sur le titre Batman, Tynion IV a déjà écrit sur le Chevalier noir auparavant et on pouvait déjà voir dans les épisodes dont il avait la charge un certain intérêt pour faire revenir d’anciennes figures oubliées que ce soit Stephanie Brown ou Cassandra Cain (deux jeunes femmes ayant été Batgirl dans l’ancienne continuité et que le New52 effaça sans remord préférant remettre l’historique Barbara Gordon sous le masque, rabaissant dès lors cette dernière mais c’est une autre histoire). Il n’est donc guère étonnant que l’équipe que constitue le scénariste se compose de ces dernières et non de personnages comme Nightwing, Batgirl ou Damian Wayne. L’importance de ces derniers (ayant de plus des titres qui leurs sont consacrés) limite la marge de manœuvre. Dès lors Tynion IV préfère composer une équipe d’outsider.



Milliardaire, croisé, orphelin, hors-la-loi, monstre, soldat et génie scientifique. Si l’équipe est composée d’incarnation d’un aspect de Batman, Ils n’en sont pas moins des individus à part entière avec pour chacun une volonté d’atteindre un but grâce aux Chevaliers de Gotham. De ces compagnons, c’est bien sur le parcours de Gueule d’Argile qui est le plus tragique. Ennemi de Batman, tueur sans pitié et monstre terrifiant, Basil Karlo se confronte à son passé et cherche la rédemption en tentant de faire le bien. Si Tynion IV justifie les actes de Gueule d’Argile en expliquant le rôle de sa transformation dans l’effacement de tout repère moraux, il n’écarte jamais les conséquences des actes de l’ancien acteur et le fait emprunter un chemin de croix terrible dont la finalité n’est en rien heureuse. A l’instar d’Azrael et de Batwing, le scénariste fait fonctionner Gueule d’Argile en duo avec Cassandra Cain, la redoutable tueuse muette. Leur complicité construite au fil des épisodes est l’une des grandes forces du récit et illustre bien la manière dont Tynion IV construit la caractérisation de ses personnages. Il s'appuie sur des effets de miroirs et des rapports mentor/élève jamais figé dans le marbre. Ainsi Orphan se retrouve en Karlo et celui-ci tente de donner à la jeune femme l’espoir qu’il se refuse.

Sur cette même dynamique (duo) (forcément fallait que je la fasse), Detective Comics se pose comme l’histoire de deux personnages qu’on aurait pas imaginé voir se lier : Katherine Kane alias Batwoman et Tim Drake alias Red Robin. Corps et esprit de l’équipe, les deux super-héros vont réacquérir ici des lettre noblesses que les dernières années éditoriales leurs avaient fait perdre. Dès le premier épisode Tynion IV va repositionner Batwoman sur l’échiquier de la Bat-famille et la poser comme reine de la caste quand les deux cousins vont « officialiser » leur lien de parenté. La surprise de Bruce face au fait que sa cousine connaissait depuis longtemps son identité secrète permet d’ailleurs à Batwoman d’affirmer son rôle d’égal. Les liens familiaux seront d’ailleurs au centre de tout l’arc narratif lié à la femme chauve-souris. Avec son cousin bien sur mais surtout avec un père mentor dont on découvre la face sombre et complexe tout du long de la série.




Face à Batwoman, il y a Tim Drake. Celui qui fut Robin pendant 20 ans (de 1989 à 2009), fut par la suite mis de coté durant la période New52. Comme pour Spoiler et Cassandra, Tynion IV va procéder à une remise en forme du personnage au sein de l’univers de Batman et rappeler les rôle spécifiques qu’il tient : celui d'historien, de détective et de génie. Pour autant, et c’est probablement l’un des développements les plus intéressant de la série, Tim Drake n’est pas parfait. Après une première histoire qui le verra être mis de coté pendant un temps, Red Robin reviendra plus fort que jamais après avoir pris conscience (et le lecteur avec lui) de son potentiel en tant que successeur de Batman. Que ce soit dans ses qualités mais surtout dans les défauts, les épisodes prenant le temps de nous décrire un Tim prisonnier de son génie, le poussant dans un besoin maladif de contrôle total.

Lutte contre la Colonie, la ligue des Ombres et le Syndicat des victimes ; Combat interne pour Azrael, désir vital de rédemption pour Gueule d’Argile, prise de conscience politique pour Spoiler etc. si tous ces histoires composent la série, le fil rouge de l’ensemble se trouve dans l’opposition entre une femme soldat tentant de concilier formation militaire et croisade super-héroïque et un jeune idéaliste tentant de trouver sa voie. Les deux devant alors prendre conscience qu’il faut « tuer le père » pour y arriver. Le talent de Tynion IV sera de ne jamais appuyé cette opposition de manière constante. La gestion narrative de la série est une des grande qualité de ce titre. Entrecoupé d’épisodes bouclés destinés à apporter une pause entre deux grande sagas, Detective Comics prend le temps également de développer chacun de ses personnages que ce soit durant l’action mais aussi quand ceux-ci sont en retrait pour laisser le devant de la scène à d’autres. De façon extrêmement fluide Tynion IV construit ses intrigues futures en les préparant à l’avance sans que jamais cela fasse forcer ou que cela ralentisse le rythme des histoires. Centrée sur Gueule d’Argile, Fall of the Batmen est à ce titre un exemple parfait d’une saga offrant un final dramatique incroyable dont la construction s’est faite finement sur des dizaines d’épisodes.

Si Grant Morrison avait procédé à un travail de reconstruction extraordinaire sur Batman, il apparaît à la lecture de la globalité de son cycle que le but de James Tynion IV était de faire de même avec ses alliés. En 47 numéros, il aura marqué l’univers de Gotham. Non pas tant sur le personnage de Batman précisément mais sur des compagnons malmenés depuis quelques années et qui retrouvent ici une aura formidable.