lundi 31 mai 2021

Star Trek : Deep Space Nine - 8ème partie : Au delà des étoiles

 



« You are the dreamer, . . . and the dream. »

 

Benny Russel (Avery Brooks) vit à New-York dans les années 1950. Dans son entourage figure Willie Hawkins (Michael Dorn) un joueur de base-ball en pleine gloire chez les Yankees et le jeune Jimmy (Cirroc Lofton) qui vit de larcins et de petites combines. Ancien soldat, Benny est aujourd’hui fiancée à Cassie (Penny Johnson) qui rêve de reprendre avec Ben le restaurant de sa patronne. Mais ce dernier a déjà un véritable métier, il est écrivain et plus spécifiquement écrivain de science-fiction pour le magazine Incredible Tales édité par Douglas Pabst (René Auberjonois) et auquel collaborent également Albert Macklin (Colm Meaney), Herbert Rossoff (Armin Shimerman) ainsi que le couple Julius et Kay Eaton (Alexander Siddig et Nana Visitor). Cette petite bande souffre de la gloire de la revue Galaxy (avec ses auteurs tels que Robert Heinlein, Ray Bradbury et Theodore Sturgeon) mais est toujours prompte à sortir ses tripes pour écrire de nouvelles histoires sur la base des dessins de Roy Ritterhouse (J.G Hertzler). Et justement voila que ce dernier propose le dessin d’une station spatiale qui inspire à Benny Russel la nouvelle Deep Space Nine racontant les aventures du capitaine Benjamin Sisko et de son équipe située au XXIVème siècle. Pour Benny Deep Space Nine est son meilleur travail, pour ses collègues il s’agit d’une remarquable histoire de science-fiction mais pour son éditeur et pour le propriétaire de Incredible Tales, il est hors de question de la publier en l’état.

Parce que le capitaine Sisko, tout comme Benny Russel, est noir et ça dans l’Amérique des années 50 cela est inenvisageable.

 

La première version du script de Far Beyond the Stars est écrite par Marc Scott Zicree et met en avant le personnage de Jake Sisko qui, plongé dans la Terre des années 50, rencontre un groupe d’écrivain de science-fiction. Une classique aventure de voyage de la temps mais dont la fin révèle que Jake est en fait victime de l’illusion d’un alien cherchant à comprendre l’humanité. Ira Steven Behr est peu convaincu par le traitement et le retournement de situation final qu’il juge trop facile et le script est mis de coté pendant quelques mois, le temps de la maturation.

Aimant l’idée de faire côtoyer les personnages de Star Trek avec des figures tel que Henry Kuttner, C.L. Moore ou Isaac Asimov, Behr va s’appuyer sur cette base pour créer une histoire bien plus ambitieuse dans la lignée du double épisode de la troisième saison, Past Tense, qui voit Benjamin Sisko, Jadzia Dax et Julian Bashir se retrouver dans le San Francisco de 2024. Une période sombre durant laquelle une élite aisée vit confortablement tandis que la majorité de la population est pauvre, sans emploi, violentés par les forces de polices et loge dans des ghettos. Qu’elle imagination ces auteurs de science-fiction… Par la force des choses Sisko prendra l’identité d’un homme considéré par l’histoire future comme le leader d’un mouvement de révolte dont la répression sanglante marquera l’opinion et contribuera par la suite à mettre fin à cet état de fait. Pour le showrunner, le voyage dans le temps est donc le moyen idéal pour parler frontalement de sujet sociaux dans une série qui use généralement de la métaphore. Far Beyond the Stars a donc tout le potentiel pour s’inscrire dans ce registre et le déclic s’opère quand on décide de centrer l’histoire non plus sur Jake mais sur Benjamin Sisko.





En effet, au milieu de cette sixième saison, le personnage principal de Star Trek : Deep Space Nine a effectué un intense voyage. Capitaine d’une station spatiale au cœur de tous les intérêts de la galaxie et première ligne de front face à un puissant ennemi, il est, également devenu une figure religieuse pour tout un peuple. Un rôle qui a pris de plus en plus d’importance et qui lui fait mettre régulièrement sa vie en danger. Ainsi suite à la découverte des ruines d’une ancienne cité Bajorienne, dans Rapture (5.10), Sisko fut sujet à des visions si intense qu’elles lui provoquèrent une tumeur au cerveau. Malgré cela, il refusa l’intervention chirurgicale afin de pouvoir recevoir ces informations destinée, selon lui, à aider Bajor dans le futur. Ce n’est que par l’intervention de son fils Jake, qui prit sur lui la responsabilité de demander au docteur Bashir de procéder à l’opération, qu’il pu être sauvé. Aujourd’hui, malgré la reconquête de Deep Space Nine par Starfleet, le conflit avec le Dominion est toujours aussi intense et meurtrier. C’est donc un capitaine Sisko sous pression qui apprend le décès d’un ami, annonce qui va agir comme une étincelle allumant un gigantesque incendie.

Revenons à la production de Far Beyond the Stars qui se positionne alors dans le sillage de Rapture et de Past Tense. Soumis à un grand stress et ayant été victime de graves problèmes cérébraux, Benjamin Sisko est sujet à un voyage qui va le plonger dans le passé et le confronter aux conditions de l’époque. Mais Ira Steven Behr et son équipe ne veulent pas d’une resucée des précédents épisodes sus-cités, ils veulent aller bien plus loin. L’épisode doit être à la fois l’occasion pour le personnage de faire le point sur sa situation mais également être une histoire indépendante qui marque les esprits. L’idée initiale de faire intervenir des auteurs de fictions est conservée mais pour les besoin de l’épisode, on décide néanmoins de créer des personnages fictifs calqués sur des écrivains célèbres. Albert Macklin nous rappelle Isaac Asimov, Herbert Rossoff est en partie basé sur Harlan Ellison enfin Julius et Kay Eaton renvoient au couple formé par les écrivains Henry Kuttner et Catherine Louise Moore. D’ailleurs, comme cette dernière, Kay utilise un pseudonyme (K.C. Hunter) pour signer ses histoires et cacher aux lecteurs le fait qu’elle soit une femme.





Par le biais de ces personnages et en racontant le quotidien d’une salle de rédaction d’une revue de science-fiction, Far Beyond the Stars va permettre à Behr et son équipe de rendre hommage à des personnes sans qui Star Trek n’existerait tout simplement pas. On y voit ainsi l’émulation créative entre les différents écrivains et dessinateurs qui donne naissance aux histoires. Surtout l’épisode va devenir une réflexion autour du pouvoir de l’imaginaire suite à un choix narratif audacieux. En effet, si l’histoire débute avec le capitaine Sisko en proie à des hallucinations puis soumis à un examen médical, Far Beyond the Stars va brutalement changer de point de vue et faire de Benny Russel le personnage principal de l’épisode. Passé le générique, nous ne sommes donc plus face à un personnage connu qui se retrouve dans le passé et dans la peau d’un autre mais bel et bien face à des nouveaux personnages, des nouveaux lieux, une époque différente et une nouvelle histoire. Celle d’un écrivain de science-fiction imaginant, pour les besoins d’une revue, les aventures de gens vivant sur une station spatiale. En fait c’est comme si l’ensemble du casting de DS9 se retrouvait à l’occasion d’une nouvelle série.

 

 



Ce changement de paradigme est rafraîchissant pour les spectateurs et les acteurs, il est également drôle par moment (par exemple quand K.C Hunter, interprété par Nana Visitor, lis l’histoire de Ben et trouve que le personnage de Kira Nerys est excellent) mais surtout totalement vertigineux dès lors que cette création devient un enjeu vital pour Benny Russel. En effet, et c’est probablement ce qui fait de Far Beyond the Stars un authentique chef d’oeuvre télévisuel, la fiction Deep Space Nine tout aussi excellente qu’elle soit ne peut être publiée en l’état parce que le Capitaine Sisko est noir. Si l’intolérance sous toutes ses formes et le racisme en particulier sont des thèmes largement exploités par la série, ils le sont sous le filtre de la métaphore en utilisant, par exemple, des histoires de vie et les conflits de différentes races extra-terrestres. Car dans son approche positive de la science-fiction, la société humaine de Star Trek a pu dépasser et résoudre ces problèmes. En plaçant son histoire dans un contexte très spécifique et avec un tel personnage, les scénaristes ne pouvaient faire abstraction de la ségrégation de la société américaine des années 50. Non seulement ils ne l’occultent pas mais cette question se retrouve au centre des enjeux dramatiques. C’est ce mélange entre la description frontale (faisant fi du vocable policée de la série, le mot « nègre » est ici employé par divers personnages) d’une société raciste tout ce qu’il y a de plus réelle et entre un questionnement profond sur le pouvoir de la fiction sur l’individu et la société, cela de manière intemporel, qui fait de Far Beyond the Stars l’une des meilleures histoires non seulement de Star Trek mais tout simplement de la science-fiction en général.

 

"Call anybody you want, they can’t do anything to me, not any more, and nor can any of you. I am a Human being, dammit! You can deny me all you want but you can’t deny Ben Sisko – He exists! That future, that space station, all those people – they exist in here! In my mind. I created it. And everyone of you knew it, you read it. It’s here. Do you hear what I’m telling you? You can pulp a story but you cannot destroy an idea, don’t you understand, that’s ancient knowledge, you cannot destroy an idea. That future – I created it, and it’s real! Don’t you understand? It is real. I created it. And it’s real! IT’S REAL! Oh God! " - Benny Russel

 

Parce qu’elle nous parle de ces liens puissant entre les membres de la race humaine et cela à travers le temps et l’espace, Avery Brooks apparaît comme le choix le plus évident pour la mettre en scène. Parmi tous les épisodes qu’il réalisa pour la série (Tribunal, The Abandoned, Fascination, Improbable Cause, Rejoined, Body Parts, Ties of Blood and Water, The Dogs of War), celui-ci est sans conteste son meilleur épisode. Malgré la difficulté d’être à la fois devant et derrière la caméra, il y avait la volonté de mettre en scène l’histoire d’un personnage avec lequel il a beaucoup de point commun. Il y a d’une part la conscience profonde de leur statut d’homme noir dans la société en général et dans leur propre métier (rappelons qu’Avery Brooks est le premier acteur noir en tête du casting d’une série depuis 1973) et il y a d’autre part les professions créatrices qu’ils exercent (l’appartement de Benny Russell nous montre qu’il est également musicien, profession d’Avery Brooks en plus de son métier d’acteur). Meilleur épisode en tant que réalisateur mais également en tant qu’acteur. Jamais la sensibilité de Brooks (et par delà celle de Sisko) n’avait été autant prégnante que ce soit dans le quotidien de Benny composé de moments touchants au restaurant de sa fiancée et de brimade policière dans la rue que dans un milieu professionnel qui dissimule ses créateurs noirs et ses créatrices aux yeux du public.

 


 


A ce titre, l’épisode se montre ingénieux dans sa manière de ne jamais rabaisser le caractère populaire de la création (des histoires de science-fiction) tout en montrant bien qu’il existe une hiérarchisation aux yeux de la critique et des éditeurs. En citant W.E.B Dubois, Zora Neale Hurston ou bien encore Ralph Ellison pour défendre sa présence lors d’une séance photo de l’équipe rédactionnelle, Benny Russell se voit répondre que ces écrivans sont visibles du fait d’un lectorat considéré comme une élite intellectuelle et politiquement ouverte. La science-fiction étant un genre populaire, il est hors de question d’aborder ce type de fiction via une approche estimée comme militante. Dés lors, Far Beyond the Stars va s’opposer à cette explication hypocrite et méprisante (et toujours d’actualité) et démontrer par son histoire que la science-fiction et l’art populaire sont au contraire des terreaux fondamentaux dans l’évolution des mentalités. Tant bien même Benny Russell se heurtera à un mur qui le détruira physiquement puis psychiquement, son acte de résistance créatrice portera ses fruits et verra s’interconnecter voire se répondre auteurs (qu’ils soient réels ou fictionnels) et créations par delà le temps et les époques. Vertigineuse dans ses implications tout en évitant soigneusement le piège qui consiste à faire douter le spectateur de la réalité de la série qu’il suit depuis plusieurs années, Far Beyond the Stars nous interroge sur notre propre rôle dans son histoire. Nous-mêmes somme les spectateurs d’une fiction à l’intérieur d’une autre, une fiction ayant influencée des centaines de strates de la société à travers les décennies, une fiction qui nous montra qu’un futur pacifique portée par la science et la découverte est possible, une fiction qui servit de modèle à des milliers de personnes qui suivirent ces enseignements et les transmirent à plus de gens à travers le temps… et, peut-être, au-delà des étoiles.

 

 

For all we know, at this very moment, somewhere far beyond all those distant stars, Benny Russell is dreaming of us. - Benjamin Sisko

 

 

samedi 29 mai 2021

Once upon a time...in Pulp

 


Concis, efficace, beau, brut, crépusculaire et bon. Pulp est un magnifique récit sur plusieurs niveaux avec une mise en abimes passionnante. Quand on tire une ligne droite entre plusieurs époques différentes et pourtant si proche et qu’on se rendent compte que les salauds sont toujours là et que les bons ne sont pas forcément les meilleurs pour buter les mauvais.



Max Winters, un écrivain de pulps dans les années 1930 à New York, est entraîné dans une histoire qui rappelle celles qu’il écrit pour cinq cents le mot - des histoires mettant en scène un hors-la-loi du Far West qui rend justice à coups de revolver. Max sera-t-il aussi efficace que ses héros face à des braqueurs de banque, des espions nazis et des ennemis issus de son passé ?

mercredi 19 mai 2021

La Première Séance





 Et voila, on (ré)ouvre


Après plus six mois de fermeture, on (ré)ouvre. Six mois (sans compter le premier confinement suivi d'une reprise tuée dans l’œuf bien sur) que je travaille sans réellement voir de monde (quelques collègues, aucun public), six mois que j’erre dans un bâtiment quasiment désert où les vielles affiches des films d'octobres 2020 trônent encore sur les murs, où les caisses sont fermés et les salles sont éteintes. Six mois que c'est mort. Certes le métier de comptable fait que même fermé, il y a des factures à enregistrer et à régler. J'ai en plus fais la clôture annuelle des comptes en début d'année. Un travail qui prend du temps et qui est peu ou prou identique, fermeture ou pas. Mais quand même ce n'est pas la même chose.


Et donc aujourd'hui on (ré)ouvre. Alors oui c'est pas dans des conditions optimale. On ne peut pas accueillir tout le monde et le masque est obligatoire parce que cette saloperie circule toujours (vaccinez-vous et portez votre masque s'il vous plait), c'est pas parfait, on préférerais tous mieux mais franchement là, tout de suite, je m'en fous, on (ré)ouvre et je suis heureux. 

 

Depuis une semaine c'est le joyeux branle-bas de combat. On passe l'aspirateur, on dépoussière, on colle les nouvelles affiches, on donne un coup de jeune aux sièges, on nettoie le jardin (oui on est un cinéma écolo, on a un jardin tout beau), on range les dossiers, on établit la grille de programmation, on répond au téléphone, on prépare les films...bref on se fait beau. 

Et vous êtes là aujourd'hui. Merci

 

Oui vraiment merci. Merci à notre public qui prenait régulièrement de nos nouvelles par mails ou en postant des messages sur notre compte Facebook, merci à eux de ne pas demander le prolongement de leur abonnements et de le renouveler alors qu'ils ne connaissaient pas la date de la (ré)ouverture, merci pour leurs dons, pour leurs "vous nous manquez", pour leur soutien sans faille. C'est à ce genre de chose qu'on sait qu'on ne travaille pas dans un cinéma comme les autres. Merci aux professionnels de la profession avec qui nous sommes dans la même galère et avec qui ont tente de naviguer. Merci à la solidarité de notre pays, oui c'est peut-être bizarre dit comme cela mais sans les aides que nous avons reçus, sans le soutien financier d'un État providence que certains mettent à mal on ne serait peut-être pas là. En tout cas clairement pas dans la même forme. Quand je constate la situation des salles de cinéma ailleurs (et notamment aux USA), je me dis que je suis quand même bien content d'être dans un pays dont le système a permis aux salles de survivre. C'est pas parfait bien sur, il y a beaucoup de choses à revoir mais les faits sont là : On a été soutenu et on est prêt pour aujourd'hui. 

Histoire de ne pas faire que dans la guimauve, je tiens quand même à exprimer mon mépris, voire ma colère envers tout ceux qui n'ont clairement pas aidé durant ces mois. Ces fournisseurs qui ont augmenté leurs tarots du jour au lendemain sur des produits d'entretiens, ces entreprises publiques qui refusèrent de suspendre le paiement de prestations malgré le fait qu'elles ne pouvaient avoir lieu, ces distributeurs qui harcèle mes collègues pour qu'on place coute que coute leur film et qui n'entendent pas qu'ils sont quarante dans le même cas.


Et surtout ces journalistes, chroniqueurs, YouTubeur influents qui n'hésitèrent pas, afin d'avoir de l'audience, à parler de films non disponible légalement en France tels que Wonder Woman 1984. En écrivant des articles, en produisant des vidéos qui banalise le fait de ne pas payer pour un travail artistique, ces sinistres cuistres démontrent par les faits leur absence de professionnalisme, d'éthique et de solidarité tout cela pour une audience éphémère et un rendu médiocre.Merci à vous les gars, j'espère que vous aurez au moins un peu honte dans le cas peu probable où vous irez payer votre place de cinéma parce que, franchement, nous nous avez pas aidé, bien au contraire. 


Enfin bon tout cela c'est derrière nous (les "pour le moment hahaha" merci de fermer votre mouille), aujourd'hui on (ré)ouvre et je dois vous avouer que voir des gens sourirent et heureux en rentrant dans le hall d’accueil ou en sortant d'une séance, c'est efface beaucoup de la noirceur passée.









mardi 18 mai 2021

Star Trek : Deep Space Nine - 7ème partie : L'appel des armes

 



Dans les dernières minutes de Broken Link (4.26), Odo était condamné par son peuple à conserver sa forme humanoïde pour avoir tué l’un des sien. Mais durant ce procès, il découvre qu’un métamorphe a pris la place de Gowron, le chef suprême de l’Empire Klingon. Suite à cette révélation, Apocalypse Rising (5.01) voit donc Sisko, Odo, O’Brien et Worf s’infiltrer en territoire ennemi pour neutraliser l’espion. Mais le Dominion a volontairement fait croire à Odo que leur agent avait pris la place de Gowron alors que c’est en fait le général Martok (le même qui conduisit l’assaut contre Cardassia puis Deep Space Nine dans The Way of the Warrior) qui fut remplacé. Ils espéraient ainsi que Gowron soit tué et que le métamorphe sous l’apparence de Martok prenne sa place pour diriger l’Empire. Odo révèle la supercherie et l’espion se fait tuer par les Klingons, suite à cela Gworon reconsidère sa position vis à vis de Starfleet. S’il refuse de restituer les territoires envahis, un cessez-le-feu est proclamé et la voie diplomatique est maintenant privilégiée. Worf est par contre toujours bannis et Gowron promet qui le tuera de ses propres mains.

Avec la fin du conflit ouvert entre Starfleet et l’Empire Klingon, on pourrait croire que Deep Space Nine a effectué un retour en arrière causant alors quelques frustrations. Il n’en est rien, d’une part parce que la situation n’est pas celle du début de la quatrième saison, il y a un cessez le feu mais les Klingons occupent toujours des territoires conquis. Surtout, si Rick Berman et Ira Steven Behr ont du revoir leur plans initiaux pour intégrer les Klingons et le personnage de Worf, cela n’a pas pour autant mis en pause tout l’arc narratif lié au Dominion bien au contraire, la menace est, en fait, toujours présente et reste le moteur des décisions et des actions des personnages. De fait, après un début de saison consacrés aux Klingons, Behr et son équipe en arrivent à trouver le bon équilibre et de faire d’une décision commerciale un atout artistique. Avec le recul, on se rend compte que la quatrième saison a permis de poser un état de fait dans l’esprit des personnages tout comme dans l’inconscient des spectateurs : la période qu’ils vivent est instable et tout peut changer régulièrement. Les amis d’hier peuvent (re)devenir des ennemis pour ensuite se battre à nouveau à vos cotés contre une menace plus puissante. Le meilleur exemple est le personnage de Gul Dukat, l’ennemi principal de la série et adversaire de choix de Sisko et Kira. Déchu de son statut à la suite de l’invasion Klingon et de sa reconnaissance de la fille qu’il a eu avec une Bajorienne, le voila devenir simple pilote de cargo puis, à l’occasion d’un abordage audacieux (Return to grace), il deviendra le capitaine d’un oiseau de proie Klingon qu’il utilisera pour mener des actes de guérilla contre l’envahisseur. On pourrait croire que Dukat va dès lors faire partir du camp du bien mais il n’en est rien comme cette cinquième saison va se charger de nous le démontrer.

Rien n’est acquis, les événements passés nous l’ont montré et d’une saison construite sur des considérations multiples nous passons maintenant à une année qui va capitaliser et fructifier tout le bénéfice acquis précédemment.

 


 


On retrouve bien sur l’épisode annuel centré sur Miles O’Brien avec cette fois-ci The Assignment (5.05) qui voit Keiko O’Brien être possédé par un Pah-wraiths, une entité alien ennemie des Prophètes qui auront un rôle déterminant dans les dernières saisons de la série. On retrouve aussi des épisodes comiques avec Ferengi Loves Songs (5.20) dans laquelle Quark découvre que sa mère est devenue la maîtresse du grand Nagus Zek et gère grandement les affaires de l’alliance Ferengi ; Créée pour célébrer les trente ans de Star Trek, Trials and Tribble-ations (5.06) voit Sisko, Dax, O’Brien, Odo et Worf voyager dans le passé pour arrêter un criminel temporel décidé à tuer le capitaine Kirk. Un épisode aux effets spéciaux remarquable dans leur capacité à recréer le visuel de la série originale et dans sa manière de faire interagir les héros de DS9 avec les membres de l’Enterprise. On continue également de voir la lutte entre Starfleet et Le maquis à travers le terrible For the Uniform (5.13) dans lequel le capitaine Sisko nous montre ses pires cotés dans ce qui devient de plus en plus une vendetta personnelle contre l’ancien officier Michael Eddington. Le spectateur connaît désormais Sisko, sait qu’il est particulièrement intraitable et beaucoup plus pragmatique que Picard mais être capable de donner l’ordre d’empoisonner toute une planète pour capturer son rival est un acte d’une violence rare pour un membre de Starfleet, tant bien même l’ordre ne sera pas exécuté, Eddington acceptant de se rendre. Comme un acte de rédemption, le capitaine de DS9 viendra plus tard en aide à son ennemi et sa famille dans Blaze of Glory (5.23) qui voit l’anéantissement des dernières poches de résistance du Maquis par les troupes du Dominion.

Et de manière plus général, on retrouve des épisodes unitaires passionnants qui continuent à enrichir les personnages

 
Nor the battle to the strong (5.04) => Effectuant un reportage sur le Docteur Bashir, Jake va se retrouver dans un hôpital d’une colonie assiégée par les Klingons. Un moment important dans la carrière du jeune journaliste qui va découvrir qu’il y a une mince frontière entre le courage et la lâcheté. Le renversement du postulat classique qui voit le lâche effectuer une action glorieuse est tout l’intérêt du récit. Ici Jake se rend compte qu’il n’est pas brave mais au contraire terrifié par la guerre. La force de l’épisode réside enfin dans sa conclusion qui marque, probablement ici, le passage à l’age adulte du fils de Benjamin en le voyant publier la réalité du récit et de son propre comportement.

The Ascent (5.09) => Devant témoigner dans un procès, Quark est escorté par un Odo qui doute de son innocence dans cette affaire criminelle. Toutefois force est de constater qu’il se trompe après l’explosion de leur navette, les laissant isolé de tout sur une planète perdue. Un épisode dans lequel la détestation entre Odo et Quarx atteint des sommets. On remarquera, ici plus que dans d’autres épisodes, que la relation entre les deux personnages n’a jamais été conçu pour évoluer vers une amitié profonde et sincère. Les deux hommes ne s’aiment pas et cette aventure ne change pas la donne.

The Darkness and the light (5.11) => Kira découvre qu’un tueur élimine tout les membres de son ancienne cellule de résistance. Capturée, elle fait face à un Cardassien qui fut défiguré lors d’un attentat commis par son groupe. Un épisode qui explore de nouveau le thème de la violence du passé revenant hanter le soldat et permet encore une fois de développer le personnage de Kira dans son rapport à la violence et la nature ambivalente de ses actes.

 


 


Doctor Bashir, I presume (5.16) => Un épisode qui commence sur un ton léger avec un Bashir recevant le docteur Zimmerman suie à sa sélection pour devenir le prochain modèle de l’hologramme médical d’urgence (l’ancienne version, basée sur Zimmerman étant d’ailleurs le médecin du vaisseau Voyager dans la série Star Trek : Voyager). L’occasion de voir un Robert Picardo toujours aussi excellent dans son coté supérieur, pédant et outré et également le début de la romance entre Rom et Leeta la serveuse du bar de Quark. Deux personnages secondaires qui font parti du décor de la série et dont l’histoire d’amour contribue, la aussi, à rendre crédible la vie de la station en dehors des personnages principaux. Mais l’histoire va devenir beaucoup plus sérieuse et problématique quand on découvrira le secret de Bashir : celui-ci, enfant, fut modifié génétiquement par ses parents. Une intervention illégale dans le but de le « sauver » des problèmes physique et intellectuel qu’il rencontrait. Face à cette révélation et afin d’éviter que son fils démissionne de Starfleet, Richard Bashir prend la responsabilité de cet acte et accepte la peine d’emprisonnement.

Ties of blood and water (5.19) => Kira retrouve Tekeny Ghemor, un Cardassien dissident à qui ses ennemis avait fait croire qu’elle était sa fille cela afin de le piéger (dans l’épisode Second Skin de la troisième saison). Depuis ces événements, Kira a une certaine tendresse pour Ghemor et ce dernier, mourant, lui demande de l’accompagner dans ses derniers moments afin qu’il lui confie tout ses secrets. Un épisode qui explore à la fois l’aspect politique de la série (une lutte pour l’héritage du vieux Cardassien) la question de le rédemption (Kira découvre que son ami a participé au massacre de Bajorien) mais qui, surtout, s’attarde sur la question de la fin de vie confrontant Kira à la mort (non pas celle du à la guerre mais celle causé par maladie) d’un proche faisant écho à la mort de son propre père qu’elle refusa de voir alors.

Children of Time (5.22) => Un épisode magnifique et très représentatif de la manière dont Star Trek utilise des idées de science-fiction pour confronter ses personnages à un puissant dilemme moral. Le Defiant se retrouve bloqué sur une planète isolé et 200 ans le futur. L’équipage fait alors la rencontre de leurs descendants qui leur explique que suite à un accident quand ils tenteront de quitter la planète et de retrouver leur époque, ils se retrouveront dans le passé et dans l’impossibilité de partir. D’où la fondation de cette colonie composé notamment des descendants de Sisko, O’Brien, Bashir et Worf. Seul Odo et Dax sont toujours vivant. Désormais l’équipage du Defiant fait face à un choix, reproduire les circonstances qui les ont conduit à l’établissement de la colonie et voir mourir certains de leurs amis lors de cet événement (dont Kira) ou bien quitter la planète grâce à leurs connaissance actuelles permettant d’éviter l’accident et effacer alors cette réalité et ses êtres.

In the Cards (5.25) => Pénultième épisode de la saison. Histoire volontairement légère qui voit Jake et Nog négocier et rendre service à différents personnes de la station cela afin de récupérer une carte de base-ball pour l’offrir au capitaine Sisko. Un épisode qui apporte un peu de bonheur alors que les canons de la guerre sont prêt à retentir.

 

Car le sentiment qui transparaît le plus dans cette saison c’est bien entendu celui de l’imminence de la guerre contre le Dominion. Si la saison nous raconte une multitude d’histoires qu’on pourrait croire bien éloigné de l’arc principale, il n’en reste pas moins qu’au sein de ces derniers la présence de l’empire ennemi est toujours présente. Ainsi The Begotten (5.12) centré sur l’accouchement de Kira montre en parallèle la rencontre entre Odo et un « bébé » métamorphe. Ainsi les implications politique des révélations de Tekeny Ghemor dans Ties of blood and water inquiète le Dominion qui envoi un représentant pour tenter de faire taire le Cardassien. Ainsi Rapture (5.10) qui voit l’échec de l’intégration de Bajor à la Fédération sur l’avis de Sisko, une décisions dont on comprendra les réelles implication à la fin de la saison.

D’un point de vue esthétique, cette saison est celle du changement d’uniforme pour les officiers de Starfleet avec l’introduction de vêtements plus sombre dans laquelle la couleur est très discrète. Si le changement s’opère pour être en cohérence avec le film Star Trek : First Contact qui sort au même moment (et dans lequel Worf et le Defiant font acte de présence contre les Borgs), il apparait pas moins qu’il renforce le caractère martial et guerrier de la série. On retrouve enfin des épisodes centrés sur le Dominion tel que The Ship (5.02) qui nous montre l’emprise total qu’on les métamorphes sur les Vortas et les Jem’Hadar etc. Mais le surplace n’étant pas le fort de la série, Ira Steven Behr vont faire accélérer les choses en profitant de la mi-saison pour diffuser un double-épisode qui va, la encore, redistribuer les cartes et pousser les limites de ce qu’il est possible de faire dans Star Trek.

 


 


Au début de In Purgatory’s Shadow (5.14), Deep Space Nine reçoit un message de détresse emmenant du quadrant Gamma. Après l’avoir décodé, Garak découvre que son expéditeur n’est autre qu’Enabran Tain, son mentor et le chef de l’Ordre Obsidien. Or Tain est censé être mort deux ans auparavant lors de la tentative d’attaque sur le Dominion par les forces conjointes des Cardassiens et des Romuliens (événements vus dans le double épisode de la troisième saison, Improbable Cause/The Die is Cast). Décidé à savoir ce qui se trame Garak et Worf partent dans le quadrant Gamma et découvrent alors une flotte immense du Dominion prêt à traverser le vortex pour envahir le quadrant Alpha. Ils ont néanmoins pu envoyer un message à Sisko avant de se faire capturer. Face à la puissance de l’armada, Sisko décide de fermer le vortex quitte à sacrifier Worf et Garak. Ces derniers, emprisonnés, retrouve un Enabram Tain mourant qui décédera peu après non sans avoir fait la paix avec Garak, son meilleur élève mais également son fils.

Sur DS9 c’est la stupeur, alors que Sisko avait fermé le vortex, voila que celui-ci s’ouvre et que les forces du Dominion envahissent le secteur. L’explication ? Il y a un métamorphe à bord de la station. Révélation que Garak et Work découvre au même moment car parmi les autres prisonniers de leur lieu de détention se trouve le général Martok (le véritable Martok donc) mais surtout Julian Bashir. Le bon docteur est emprisonné ici depuis un mois, c’est donc un imposteur dont nous suivons les aventures depuis quelques épisodes. Ça n’a l’air de rien aujourd’hui mais à l’époque, voila un événement qui fit bouger les lignes quand à ce qu’il était possible de faire dans Star Trek. Montrer qu’un personnage du casting régulier n’était pas celui qu’on pensait être, même pour quelques épisodes, marqua les esprits et ouvrit la voie pour une exploitation à grande échelle de l’idée dans la décennie suivante (si vous me dites « Battlestar Galactica » vous avez gagné)

Suite directe, By Inferno’s Light, voit la flotte du Dominion arriver dans le quadrant Alpha mais au lieu d’attaquer Deep Space Nine, celle-ci fait route vers Cardassia pour libérer cette dernière de l’envahisseur Klingon. Il s’avère en fait que le bon Dukat négocie avec le Dominion depuis des mois pour faire en sorte que les Cardassiens rejoignent le Dominion. Ces derniers ont dès lors une tête de pont dans le quadrant Alpha, tandis que Cardassia chassent les Klingons et détruisent le Maquis. Dukat quand à lui à chasser le gouvernement civil et devient le nouveau dirigeant de son peuple. Le double épisode se conclue avec l’échec du Dominion pour détruire DS9, Bajor et une flotte conjointe de Starfleet, des Klingons et des Romuliens (cela grâce au retour de Worf, Garak et Bashir révélant alors l’imposture), l’alliance reformé entre Starfleet et les Klingons (qui décide de laisser une force permanente de vaisseaux menée par Martok pour protéger la station) et le début d’une drôle de guerre contre le Dominion.

Une guerre larvée, faite de petits conflits et escarmouches mais qui prendra toute son ampleur dans le final de la cinquième saison, Call to Arms, quand le Dominion et Cardassia décideront d’attaquer Deep Space Nine. Mais préparé à celle-ci, Sisko et Starfleet minent le vortex bloquant tout renfort venant du quadrant Gamma, attaquent les chantiers navals des Cardassiens ralentissant dès lors toute réparation ou construction de vaisseau et quittent Deep Space Nine non s’en promettre leur retour.

 


 


Trois mois plus tard, la sixième saison débute sur les chapeaux de roue avec une série d’épisode liés par le conflit ouvert entre Starfleet et le Dominion. A cette occasion la narration est scindée en deux lieux et deux groupes. D’une part la flotte de Starfleet qui tente de combattre le Dominion sur différents théâtres d’action, de l’autre Deep Space Nine et ses résidents qui vivent avec l’occupation de l’ennemi. Si les aventures de Sisko et de ces hommes sont intéressants, c’est surtout les histoires de l’occupation de DS9 qui sont les plus passionnantes puisqu’ils permettent de voir comment les différents résidents s’acclimatent du changement. Sauvé par son refus de rejoindre Starfleet, Bajor n’est donc pas envahi par le Dominion. La situation est différente mais Kira doit donc travailler avec son ennemi de toujours au point qu’elle se rend compte qu’elle devient ce qu’elle a toujours haïe, une collaboratrice. Passé cette prise de conscience, elle décide de monter une cellule de résistance au sein de la station. Elle est aidé en cela par Jake Sisko, resté sur la station en tant que journaliste, Rom et Odo. Toutefois ce dernier fera faux bond à Kira quand un autre métamorphe arrivera sur la station et lui montrera tout l’étendu du lien qui existe entre les membres de leur races. En six épisodes, les scénaristes de Star Trek : Deep Space Nine changent encore une fois la donne de la série et innovent : ils cassent l’unité du groupe que ce soit de manière physique avec la flotte de Starfleet d’une part et DS9 de l’autre mais aussi spirituellement avec un Odo prêt à trahir ses amis ou une Kira proche de la collaboration.

Si Sisko et ses troupes récupèrent Deep Space Nine à l’occasion d’une offensive audacieuse qui en arrive même à faire impliquer les Prophètes, les traces de cette période resteront encore un temps. On pourra toutefois regretter qu’elles ne seront pas forcément trop marqués et durable. On touche peut-être ici au limite de la franchise et d’une période qui ne permettait pas forcément d’aller encore plus loin. D’un point de vue narratif toutefois, la série s’est permise beaucoup de chose à cette occasion en terme de structure de son récit. On change le lieu, pourtant immuable donnant même le titre à la série, on s’éloigne de l’épisode bouclés, et on suit un grand fil rouge prégnant. Encore une fois cela n’a l’air de rien aujourd’hui mais cette façon maligne de modifier la série en fait sa spécificité et sa grandeur et essaimera des petits par la suite.

Après la bataille pour la libération de Deep Space Nine, la série semble prendre une pause et retourne à des épisodes à l’intrigue bouclées. Les événements heureux font même croire à une ambiance de légèreté assez inédit dans la série. Mais ça serait se tromper que de penser que Star Trek : Deep Space Nine a épuisée toute ses cartouches. Sans que l’on s’en doute, voila qu’elle se prépare à nous asséner un uppercut d’une puissance phénoménal avec rien de moins que le meilleur épisode de la série et l’un des plus beau hommage à la science-fiction en tant que genre littéraire et vecteur de la puissance de l’imagination sur la civilisation.

 


 


Prochaine épisode : Au delà les étoiles

vendredi 14 mai 2021

Le procès de Flash


 

 

 

On descend aux archives pour terminer cette journée. La sortie du premier tome de Flash, La Légende est l’occasion de revenir sur une période moins connue du bolide écarlate. Retour en 1983 avec Le Procès de Flash, le final de la série en forme d’apothéose signé Cary Bates et Carmine Infantino.

Barry Allen est de nouveau heureux. Chose qu’il n’aurait pas pu espérer après la tragédie qui l’a frappé quelques années auparavant quand Eobard Thawne alias le Reverse-Flash tua froidement sa femme, Iris Allen. Aujourd’hui, le super-héros de Central City a refait sa vie et se prépare à épouser Fiona Webb. Mais le jour de la noce, voilà que son plus terrible ennemi revient pour faire connaître le même destin tragique à la future mariée. Fermement décidé à l’arrêter, Flash s’engage dans une course épique qui prendra fin quand le justicier tuera Eobard. Bien qu’ayant sauvé sa bien-aimée, il a commis l’irréparable et va devoir dès lors être jugé pour son acte. C’est le début d’un long procès qui va tout changer pour Barry Allen.

La première moitié des années 80 est un véritable cocktail d’expériences et de limites sans cesse dépassées dans le genre super-héroïque. D’une série moyenne, Chris Claremont continue de faire des X-men un énorme succès, le jeune Frank Miller construit la légende noire de Daredevil et Walter Simonson paye son tribut à Jack Kirby à travers les grandioses aventures de Thor. DC de son coté met en avant des jeunes Titans qui s’émancipent de leurs aînées sous la houlette de Marv Wolfman et George Pérez.

Et Flash ? Aux commandes du titre depuis 1971, Cary Bates va pousser le personnage initiateur de l’âge d’argent dans ses derniers retranchements au point d’en faire la parabole des changements que subit un genre bientôt prêt à passer définitivement dans une nouvelle ère. Si Barry Allen avait déjà eu son lot de malheurs avec la mort d’Iris dans The Flash #275, c’est à partir de 1983 dans The Flash #323 (Run Flash, run for you wife) que Bates va passer à la vitesse supérieure, aidé en cela par Ernie Colón, un éditeur peu expérimenté laissant passer ce qui pourrait être impensable fut un temps, et par le retour (depuis The Flash #296) du dessinateur mythique de la série : Carmine Infantino.

 


 

 

Cocréateur du personnage, Infantino n’a rien perdu de sa superbe, bien au contraire. Son dessin est d’une modernité sans faille et rivalise avec les planches de Walter Simonson. Porté par une aventure sans commune mesure, il va offrir parmi les meilleurs passages de la série et montrer un Flash dépassant, comme jamais auparavant, ses limites. La course poursuite infernale contre le Reverse-Flash, le sauvetage de Peter Farley, le résultat du combat contre Big Sir etc. sont tout autant de sommets d’une histoire qui accumule les péripéties. Fidèle à sa réputation, Flash ne s’arrête jamais ! Pour cela, Cary Bates va accompagner son intrigue principale d’une multitude d’histoires secondaires mettant en valeur l’univers du héros et empêchant le rythme de retomber une seule seconde.

 


 

 

En faisant de Flash un meurtrier, le scénariste brise le code moral même du personnage et du genre. L’intelligence des histoires suivantes sera d’en illustrer toutes les conséquences au sein d’une ville entretenant un rapport bien particulier avec un héros, non pas craint à la manière d’un Batman, mais totalement aimé jusqu’à en avoir son propre musée. Que ce soit ses amis, ses parents, sa fiancé (qui ne se relèvera pas de l’épreuve et sombrera dans la folie), ses collègues encapés (magnifique moment où le vote de Superman pour l’exclusion de Flash de la Ligue de justice tranche totalement avec ce qu’on attendrait de lui) ou bien encore ses ennemis, tous seront traités avec brio faisant de ces épisodes un véritable best-of de toute la série.

 


 

 

Malheureusement boudé par le public, Le Procès de Flash sera tout autant un périple pour le héros que pour son auteur. Face aux mauvais chiffres de ventes, la décision est prise d’arrêter le titre. Par ricochet, Flash devient également le choix idéal pour un sacrifice dans la grande saga alors en cours chez DC. Sachant la fin venir, Bates ne déviera pas de sa ligne et offrira un final magnifique entre la sortie magistrale à la Rogue gallery et une belle récompense pour Barry Allen pouvant enfin se reposer……. pour un bref temps. Un mois après la conclusion de la série (The Flash #350) paraît Crisis on Infinite Earths¹ #8 dans lequel le grand héros allait montrer tout son courage afin de contrecarrer l’Anti-Monitor et cela jusqu’à y laisser sa vie.

Inédit en France et réédité aux USA dans un showcase (édition épaisse contenant un nombre important d’épisodes en noir et blanc) aujourd’hui épuisé, Le Procès de Flash reste un des très grands moments de la série et du personnage. À son crépuscule, le tandem Cary Bates/Carmine Infantino ont offert un des finals les plus brillants (à la hauteur du Whatever Happened to the Man of Tomorrow d’Alan Moore) pour l’un des plus grands super-héros. On espère vraiment que DC Comics, puis Urban, publieront dans le futur cette grande histoire.

 

 




Texte initialement publié sur le site du Daily Mars, le 26/02/16

lundi 3 mai 2021

Kitty Stardust and the mutants from Mars

Panini Comics publie cette semaine dans leur collection Marvel Classic une série magistrale et totalement à part dans l'univers des X-men : Excalibur. Pour l'occasion je republie mon article écrit pour le site du Daily Mars et publié il y a presque huit ans.

 

 


 


Et si les aventures de Doctor Who se passaient dans l’univers Marvel ? Et si par un enchaînement de circonstances, des mutants se retrouvaient embarqués dans des péripéties qui n’étonneraient pas les compagnons de David Tennant, Tom Baker ou Peter Davison ? Et si Excalibur était la meilleure série dérivée des X-Men ?

Faisons les présentations : Dans le coin droit se tiennent deux X-men, l’un est réputé pour son talent de téléportation, son agilité incroyable et sa peau bleue, l’autre fut la benjamine du groupe pendant longtemps et peut traverser n’importe quel objet ou personne, je vous demande d’accueillir Diablo et Étincelle ! Dans le coin gauche, ils sont sujets de sa Majesté, lui porte les couleurs du drapeau du Royaume-Uni sur son costume et elle, est métamorphe. Voici Captain Britain et Megan ! Enfin au centre, elle est la fille de Cyclope et Jean Grey venue d’un futur alternatif et apocalyptique et possédant les mêmes puissants pouvoirs que sa mère : veuillez applaudir Rachel Summer alias Phénix !

 

Ladies and gentlemen je vous présente : Excalibur !

 

Créée en 1988 par Chris Claremont et Alan Davis, Excalibur apparaît comme une sorte de récréation pleine de fraîcheur. Il faut dire qu’à cette époque, Claremont ne ménage pas ses X-men et leur fait subir bien des épreuves depuis un an. Ils ont dû faire face au massacre d’un peuple de mutants réfugiés dans les égouts de New-York et n’ont pas été épargnés par l’attaque. Plusieurs d’entre eux furent grièvement blessés et l’équipe dut faire face à une crise de confiance après sa rencontre avec un mutant capable de posséder les gens. Enfin cerise sur le gâteau, les X-men décident de se faire passer pour morts après avoir vaincu un terrible ennemi à Dallas.

 


 

 

Bref Chris Claremont est en plein travail de dé-construction du groupe de super-héros et ose beaucoup de choses qui apparaissent aujourd’hui comme très avant-gardistes. Ainsi les X-Men qui se font passer pour morts afin de devenir un groupe pro-actif préfigurent les super-héros interventionnistes des années 2000. Ce travail passionnant (et qui trouvera sa conclusion lors du départ de Claremont) éloigne toutefois l’auteur d’une certaine légèreté. On ne s’étonnera donc pas de le retrouver aux commandes de cette série dérivée et débridée des X-Men.

 


 

 

Cette légèreté, Claremont va la trouver en collaborant avec Alan Davis. Ils avaient déjà travaillé par le passé sur les X-Men (notamment en incluant le personnage de Psylocke au groupe) et Excalibur représente un certain idéal pour ce dessinateur qui va pouvoir ré-utiliser deux personnages chers à son cœur, Captain Britain et Meggan, dont il avait dessiné les aventures dans la série Captain Britain écrite notamment par Alan Moore et Dave Thorpe.

Excalibur, c’est donc la rencontre entre trois ancien X-men (Diablo, Étincelle et Rachel Summers alias Phénix) et de deux super-héros anglais, tous liés par la mort des X-men (Psylocke étant la sœur de Captain Britain) et qui décident de se réunir afin de perpétuer le rêve de tolérance et de paix de Charles Xavier. Dès le départ, la série affirme une tonalité comique sans précédent. Si l’équipe combat de dangereuses menaces, c’est tout de même dans une ambiance proche de l’absurde sans jamais toutefois sombrer dans le ridicule. Il y a dans Excalibur une atmosphère qui rappelle énormément la série Doctor Who, ce mélange de concept et idées de folie, de kitch assumé et de respect du genre. Le groupe va ainsi devoir faire face au Crazy Gang, un groupe de super-vilains ayant trop lu Alice aux pays des merveilles, ou bien aux Technets, un gang de mercenaires inter-dimensionnels.

 


 

 

À l’époque, seule la Justice League International de Keith Giffen et J.M DeMatteis était aussi drôle (message à Urban : on veut cette série en France!) (NdA  03/05/21 : Urban a depuis édité JLI en deux volumes) mais Excalibur dispose de cette touche british (la série se passant en Angleterre) qui fait d’elle une œuvre unique. L’humour toutefois ne prend jamais le pas sur les situations et l’aventure et nombre d’épisodes arrivent à mélanger situations horrifiques et moments comiques. On pense ainsi à la première aventure de l’équipe qui doit rechercher des êtres qui volent la peau des gens ou bien encore aux épisodes participant à la saga Inferno (dans laquelle New York devient l’épicentre d’une invasion de démons) où Captain Britain et Étincelle se retrouvent coincés dans un film parodiant Rambo 3. Claremont et Davis forment un duo incroyable et arrivent à nous faire aimer cette équipe hétéroclite qui peine à cohabiter. Ainsi on nous montre l’attirance de Diablo pour Megan, celle-ci étant la compagne d’un Captain Britain en pleine perdition. Tandis que le symbole du Royaume-Uni passe pour un gros tas de muscles sans cervelle, Diablo apparaît de plus en plus comme le leader de l’équipe. Quand à Rachel et Étincelle, elles (re)nouent un fort lien d’amitié qui fera grandir les deux jeunes femmes.

Adepte du jeu de pistes, Claremont va également lancer plusieurs intrigues durant les premiers épisodes. Malheureusement, celles-ci seront quelques peu oubliées durant un temps. En effet Alan Davis quitte la série en 1989 et commence alors une traversée du désert pour la série. Si les deux artistes avaient initiés le concept des mondes parallèles comme objet d’aventures (avec notamment le classique monde dirigé par les nazis), Claremont va y aller à fond dans l’exploration des autres dimensions quitte à lasser le lecteur en route. Qu’à cela ne tienne, il va alors raconter les péripéties de Kitty Pride (alias Étincelle) dans….Un collège privée. P-A-S-S-I-O-N-A-N-T.

Mais alors qu’on pensait la série définitivement perdue, une lueur d’espoir arrive. 1991 : alors que Marvel signent un nouveau départ dans l’univers des mutants (nouvelle série X-Men et X-Factor, création d’X-Force), Alan Davis revient sur Excalibur à partir du numéro 42 non seulement en tant que dessinateur mais également en tant que scénariste. Alléluia mes frères ! Le sauveur est arrivé ! Si Excalibur était très bonne à ses débuts, elle va dorénavant être magistrale.

 


 

 

Pendant deux ans, Alan Davis va démontrer tout son talent de dessinateur et de scénariste et offrir ce qui reste encore aujourd’hui comme l’une des plus grandes séries de l’univers mutant. Conscient des problèmes engendrés par les aventures précédentes, Davis va dans un premier temps lancer un arc qui va mettre en lumière les machinations de Merlin dans la création d’Excalibur et toutes leurs aventures précédentes et cela dans le seul but d’acquérir le pouvoir de Phénix. En quelques numéros, Davis va non seulement relier toutes les mésaventures écrites par Claremont mais également faire le point sur ses personnages et leurs antagonismes. Captain Britain va faire la paix avec lui-même, Rachel commencera à retrouver une mémoire qu’elle croyait perdue et Megan va découvrir ses origines. Au final, l’équipe, plus soudée que jamais, va être prête pour un affrontement épique avec Nécrom. Un grand moment de la série durant lequel le nécromancien et Phénix vont se battre à coup de planètes dans la gueule.

 


 

 

Davis est au top de sa forme. Son dessin se fait encore plus beau (le combat Necrom/Phénix encore une fois) et il invente des situations encore plus folles et des moments comiques absolument hilarants : Diablo en tant que leader des Technets,  apparitions soudaines de héros venant de différentes dimensions (hop des Avengers version dinosaures, hop des démons, hop plein de robots)… Après cet arc grandiose qui voit également l’arrivée de nouveaux membres dans l’équipe (la belle alien Cerise ou bien encore Kylun le maître en escrime capable de reproduire n’importe quel son), Davis va continuer son bonhomme de chemin en nous offrant un récit horrifique durant des retrouvailles familiales entre Captain Britain et Psylocke, un délire au sein d’Alice au pays de merveilles, un grand récit méta-physique sur le Phénix (avec des planches magnifiques d’un combat entre l’entité et Galactus), une conspiration gouvernementale et enfin une conclusion brillante renvoyant au fameux Days of Future Past des X-men pendant lequel Rachel va affronter et vaincre ses démons.

Alan Davis quittera définitivement la série au numéro 67 et dès lors, celle-ci perdra son charme unique en se rapprochant beaucoup plus de l’univers des X-men et en devenant un spin-off de plus de la célèbre série. Qu’à cela ne tienne, nous avons déjà eu beaucoup et encore aujourd’hui, la série reste dans le cœur de ceux qui l’ont découvert. Aujourd’hui, elle acquiert une autre dimension du fait de la renaissance de Doctor Who et relire Excalibur après avoir plongé avec délices dans les aventures du Docteur de Russel T. Davies et Steven Moffat, c’est avoir la certitude de prolonger une aventure unique.

Je ne vais pas vous le cacher plus longtemps, quand Philippe et Dominique m’ont offert l’occasion de déclarer toutes les semaines mon amour pour les BD américaines, l’envie de vous parler d’Excalibur est très vite arrivée. Cette série fait partie des œuvres que j’emporterais de manière certaine sur une île déserte. Il est toutefois aujourd’hui assez difficile de la trouver. Publiée initialement en France dans la revue Titans (du numéro 130 au 184), Excalibur n’a jamais connu de ré-édition si ce n’est dans deux X-Men Classic paru l’année dernière et le mois dernier et les débuts de la série.

Hélas l’arrêt de cette excellente revue pour cause de ventes trop faibles  nous laisse peu d’espoir quand à la ré-édition de ce chef d’œuvre. Le lecteur tenté par l’aventure n’aura donc d’autres choix que de se tourner vers le marché de l’occasion. La version originale de toute la série est facilement trouvable en trade paper back.

Ou bien vous prenez votre plus belle plume et vous écrivez en masse à Panini pour demander une nouvelle édition de la série. On ne le répétera jamais assez, de par ses scénarios inventifs et merveilleusement bien construits sur le court et long terme, de par son atmosphère absolument unique et son dessin fabuleux, Excalibur reste l’une des meilleures séries Marvel et fait partie de ces petites pépites qui nous rappellent pourquoi on aime autant les super-héros.