A l’occasion de la sortie prochaine du tome 4 et afin de soutenir Milady Graphics*, on a décidé de revenir sur Locke & Key,
une formidable série d’horreur. Le genre de série qui vous fait aimer
les comics pour la vie et jusqu’à la mort voire même après.
Il est difficile de résumer Locke & Key
en quelques lignes mais on va tout de même s’y atteler : suite à la
mort tragique de leur père, Tyler, Kynsey et Bode Locke emménagent avec
leur mère et leur oncle dans l’ancienne demeure familiale située dans le
Massachusetts. Dans la vaste et sombre maison, portant le nom de
Keyhouse, ces trois enfants vont tenter de panser leurs plaies mais très
vite le passé les rattrape.
Le postulat de base est finalement assez simple à résumer mais on passe à coté de l’essence de Locke & Key.
Ces six premiers épisodes, formant donc le premier tome, sont bourrés
de tant d’éléments qu’il est bien difficile de raconter toute l’histoire
en quelques lignes. Toutefois même si c’est une approche un brin facile
et peut-être maladroite, on peut commencer à parler de Locke & Key
au regard des parents du scénariste Joe Hill. Derrière ce nom de plume
se trouve Joseph Hillstrom King fils de Tabitha et Stephen King petit
romancier américain dont quelques œuvres ont été adaptées
confidentiellement au cinéma. Nous n’allons pas dresser ici un parallèle
entre les œuvres du fiston (dont on ne peut que saluer le refus de
prendre le patronyme paternel pour écrire) et celle du maître de
l’horreur, ni même analyser la relation père/fils de la BD par le prisme
de celle entre Joe et son père, par contre on ne peut que remarquer que Locke & Key
partage avec les meilleurs romans de Stephen King cette même atmosphère
si particulière de la Nouvelle-Angleterre et surtout ce talent pour
introduire le fantastique et l’horreur dans la vie quotidienne de
personnes tout ce qu’il y a de plus normales.

Ainsi Locke & Key se concentre dans un premier temps
sur Tyler, le fils aîné de la famille Locke. Cet adolescent qui pense
avoir une vie de merde parce qu’il est obligé de passer ses vacances
avec ses parents, son frère et sa sœur, va voir sa vie exploser après le
meurtre d’un père avec qui il entretenait des relations conflictuelles
somme toute normale à cet âge. C’est par lui que l’on découvre
l’événement fondateur de toute l’histoire mais c’est via Bode, le petit
dernier, que l’élément fantastique arrive. En découvrant une clé assez
spéciale, un puits au fond du jardin et l’être qui y réside, ce gamin va
contribuer sans le savoir à mettre en branle les événements qui se
dérouleront tout le long du tome.
Keyhouse porte bien son nom et, comme le titre de la
série nous le suggère, les clés sont des éléments importants de
l’intrigue : ainsi la clé que trouve Bode lui permet de devenir une
sorte de fantôme qui lui donne l’occasion d’observer sa famille. Hill y
trouve alors matière à traiter du deuil du point de vue d’un petit
garçon, cela de manière très touchante et subtile. Au fil du récit nous
découvrons qu’il existe d’autres clés dont les pouvoirs sont différents,
ouvrant alors un champ immense de possibilités pour les autres tomes.
Pour l’heure les Locke découvrent donc leur nouvelle demeure
et chacun gère le deuil du mieux qu’il peut en même temps que le
lecteur découvre les tenants et les aboutissants de ce drame. Hill sait
ménager le suspense et gère très bien le rythme de son récit, alternant
savamment les scènes du présent et celles du passé et notamment la mort
du père de Tyler. Il emboîte petit à petit ces intrigues et on remarque
très vite un plaisir certain dans sa manière d’user des mystères tels
des serrures fermées et de les résoudre à l’aide des clés de la
narration. Serrures et clés sont tellement au cœur du récit qu’elles en
deviennent même les balises, ainsi le premier épisode s’ouvre et se
clôture sur une porte qui se ferme. On apprécie aussi la manière dont le
dessinateur, Gabriel Rodriguez, use de son média pour prolonger cette
idée de serrure et de clé qui s’entremêle continuellement, par exemple
via une page recto/verso où chaque protagoniste se répond au travers
d’une porte lors du dénouement de l’intrigue.

De manière générale on assiste à une collaboration quasi-parfaite
entre Hill et Rodriguez, ce dernier réussissant parfaitement à
visualiser l’univers et l’ambiance des écrits de Hill. Sa manière d’user
des panoramiques pour les paysages ou de dessiner de grandes cases
plusieurs fois sur la même page afin de ralentir l’action ou de faire
des effets de miroirs en utilisant l’eau, permet au récit de prendre son
temps pour poser les personnages et le lieu. Les moments de tension, la
peur et la violence n’en sont alors que plus terribles quand ceux-ci
explosent de toutes leurs forces. Une peur principalement représentée
par le personnage de Sam Lesser, gamin psychopathe tout simplement
terrifiant par son intelligence et son calme alors que le sang se répand
autour et à cause de lui, et pourtant il n’est que l’outil d’une menace
bien plus grande encore.
Premier tome d’une magnifique série, Locke & Key
est, pour ne pas y aller par quatre chemins, une lecture indispensable à
tout amateur de bonne histoire d’horreur. La manière dont Hill et
Rodriguez tissent leur toile afin de raconter cette histoire de deuil à
surmonter et de lutte contre ses peurs, force le respect. D’autant plus
que nous n’avons là que le premier chapitre d’un grand récit et que la
suite s’annonce encore plus passionnante.
* Ce texte fut originalement publié sur le site du Daily Mars le 15/03/13