A sa décharge, on ne peut pas dire qu’il arrive à une époque stable pour le titre bien au contraire, les X-men sont en pleine mutation (gag, rire, j’anime tous vos anniversaires, mariages, bar-mitsvah et cérémonies d’ouvertures de J.O). Ayant explosés les ventes depuis l’arrivée de Paul Smith, les X-men sont dorénavant la poule aux œufs d’or et Marvel veut agrandir le poulailler d’où le lancement de la série Les Nouveaux Mutants quelques mois auparavant. Scénariste des deux titres, Chris Claremont n’hésite pas à lier les histoires créant ainsi un univers mutant de plus en plus étendu. Toutefois cela ne se fait pas forcément de la façon la plus limpide qui soit. Le lecteur des seuls X-men pourra ainsi être étonné de voir des personnages surgir comme si de rien n’était (Psylocke ou Magneto) ou bien s’interroger sur le parcours d’autres (tiens Kitty à l’armure et l’épée d’Illyana ?) puisqu’une partie de leurs histoires se déroule dans l’autre titre, voire dans des mini-séries ou des annuals. Nul récapitulatif ou de simple éclaircissement, on part du principe que le lecteur à tout lu. S’ajoute à cela l’ingérence de Jim Shooter et de ses Guerres secrètes (particulièrement le deuxième volet) et vous comprendrez que si le lecteur du seul titre The Uncanny X-men peut se sentir perdu dans ce fatras, le dessinateur peut tout autant l’être.
Outre cette dispersion éditoriale difficilement coordonnée entre les titres, on peut également constater que Claremont nous balance des histoires insipides tel l’énième retour d’Arcade (et son duel annuel avec Miss Locke), le rerereretour du Club des Damnés avec une Séléné inintéressante ou bien encore les épisodes An Age Undreamt Of ! / Raiders Of The Lost Temple ! avec son New-York de fantasy et ses habitants transformés en personnages de Donjons et Dragons. Tellement médiocre qu’on lobotomise le tout à la fin et qui a pour unique et incongru conséquence de voir l’arrivée de Nemrod. La némésis de Rachel Summers devient d’ailleurs un héros pour la ville sans qu’on sache trop pourquoi si ce n’est le besoin d’alimenter la haine anti-mutants.
Romita Jr peine aussi régulièrement et son dessin est rarement enlevé. On sent qu’il a du mal à dessiner une équipe. Heureusement des subterfuges sont trouvé comme par exemple de faire des histoires mettant en scènes que deux ou trois protagonistes. Bref ce n’est pas la joie pour Romita Jr qui sortira un peu désabusée de ce passage et à qui il faudra la proposition de travail sur Daredevil avec Ann Nocenti pour retrouver une confiance en lui. A tel point qu’il signera là l’un de ses plus grands travail et construira définitivement son style.
Mais pour autant que cette période se traine de sacré boulets, elle propose aussi (et c’est là tout le réjouissant paradoxe) des moments remarquables et marquant. Citons pêle-mêle Madness (The Uncanny X-Men #182) avec une Malicia incapable de faire la part entre sa personnalité et celle de Carol Danvers, He’ll never make me cry (The Uncanny X-Men #183) qui contient l’une des plus fantastique bataille contre le Fléau ou bien encore It was a dark and stormy night… ! (The Uncanny X-Men #195) avec en guest-star les enfants de Puissance 4 qui vont en subir des vertes et des pas mures face aux Morlocks. Dans tout ces épisodes Romita Jr se retrousse les manches et semble diablement inspiré.
Cette inspiration, on la retrouve également de manière plus étendu dans l’illustration de la noirceur de cette période. Le sentiment anti-mutants prend des proportions encore plus importante : le gouvernement veut mettre en place un fichage, la haine est de plus en plus manifeste, Charles Xavier est victime d’un attentat, Diablo manque de se faire lyncher par la foule et ne doit son salut que par l’intervention de ses amis essayant de raisonner les agresseurs etc. Il ne fait encore moins bon d’être mutant.
De fait, on assiste dans cette période au prolongement du sublime Dieu crée, l’homme détruit de Chris Claremont et Brent Anderson, publié en 1982. Un récit mettant notamment en avant un Magneto comme jamais vu auparavant, bien éloigné du super-vilain généralement montré, et qui continuera son évolution dans la série régulière jusqu’à prendre la succession de Charles Xavier à partir du 200ème numéro (The trial of Magneto).
Même si le personnage est globalement mal traitée, Rachel Summers (qui apparait durant ces années), fille de Scott Summers et de Jean Grey venant d’un univers alternatif, nous donnera un aperçu d’un futur apocalyptique d’une violence jamais vu, voire jamais égalée. Merci là encore à Romita Jr pour ces pages marquantes de même que pour toutes celles ayant attrait aux Morlocks avec en tête le célèbre Massacre (The Uncanny X-men #211), dernier numéro qu’il dessine. Comme l’indique le titre, on assiste ici à la mort des Morlocks (ces mutants vivants dans les égouts de New-York), un massacre perpétré par les Maraudeurs. Extrêmement violente, cette bande prend plaisir à torturer et tuer hommes, femmes et enfants et ne fait aucune pitié. Face à eux, les X-men vont également souffrir. Trois de leurs membres les plus illustres (Diablo, Kitty Pride et Colossus) vont être gravement blessées.
Cet événement dramatique qui conclut la fin de la prestation de Romita Jr et qui va enclencher un tournant majeur pour l’équipe et la série (la grandiose période Silvestri) pourrait se voir comme l’apogée d’une période totalement sombre si elle n’était pas (heureusement pourrait-on dire) accompagnée d’une multitude de passage bien plus léger. Peut-être plus que dans d’autre période, on ressent ici l’esprit d’équipe et le sentiment d’une véritable vie de famille au quotidien. Les mutants prennent le temps de vivre et de sourire comme le montre la fameuse partie de base-ball de The Uncanny X-Men #201 dessinée par Rick Leonardi et encré par Whilce Portacio. Épisode également célèbre pour son duel palpitant entre Tornade et Cyclope afin de décidé qui dirigera l’équipe (mais, heuuu, c’était pas Diablo quelques épisodes auparavant ? ^^).
Tornade justement est, encore et toujours, l’égérie de Claremont et va subir une terrible épreuve : la perte de ses pouvoirs. Moment marquant non pour l’épisode de la perte en elle-même mais pour le suivant, le magnifique Lifedeath dessiné par Barry Windsor-Smith qui mériterait à lui seul tout une analyse. Contentons-nous simplement de souligner que Tornade apparait ici tout autant vulnérable que forte et qu’une simple gifle est plus dévastatrice que tous les éclairs qu’elle a pu lancée auparavant. Un an plus tard, Windsor-Smith donnera une suite à ce récit avec Lifedeath II (The Uncanny X-Men #198) dans lequel la mutante déchue retrouvera ses racines et, peut-être sa connexion avec ce qui l’entoure. Comme une manière de souligner que la perte de ses pouvoirs tient plus d’un choix personnel que d’une réelle intervention extérieure. A noter que s’il ne met pas en scène Tornade, la troisième prestation de BWS pour la série (The Uncanny X-men #205 : Wounded Wolf) est aussi une merveille qui préfigure son futur travail sur Weapon X.
Vie et Mort. Voila, peut-être, ce qui définirait le mieux cette période des X-Men. Un aller-retour quasiment constant entre les plus beaux moments de la vie (n’assistons-nous pas à la naissance de Nathan Summers, le fils de Cyclope) et les pires (la mort des Morlocks). Une valse d’un extrême à l’autre qu’on retrouve personnifié chez une multitude de personnage (Magneto et Tornade en tête) mais également dans la qualité même de cette période alternant le meilleur et le (vraiment) moins bon. Une période fascinante pour cette dichotomie et fatigante pour sa dépendance envers d’autres titres. Un moment de transition qui prendra le temps de faire vivre au quotidien ses personnages pour en mieux détruire l’unité et le confort afin de les préparer à la grande chute finale.