samedi 15 janvier 2011

The World Greatest Heroes par John Byrne


Depuis bientôt trois mois j’ai de nouveau l’envie d’aligner les mots et de vous faire découvrir mes désirs par le biais du Zocalo. Pourtant je ne vais pas tenir tous les stands tout le temps parce qu’il se trouve que durant mes pérégrinations sur le  net j’ai rencontré des gens dont la connaissance et la passion n’est surpassée que par leur gentillesse. De temps à autre, donc, le Zocalo accueillera des écrits de ces personnes dont la plume vous fera (re)découvrir des œuvres bien mieux que je n’aurais pu le faire.

On commence aujourd’hui avec Flash Gordon (également connu sous le pseudonyme de Hutch) qui m’a autorisé à reprendre trois textes qu’il avait écrit sur un forum suite à sa relecture d’un run des Fantastic Four. Que ce soit par le biais de dessin animés, de films ridicules ou tout simplement de BD, ces quatre personnages (Mr Fantastic, la Femme Invisible,  la Torche et la Chose) sont connus du plus grand nombre. C’est non seulement une bd d’aventure époustouflante qui nous emmène aux quatre coins du monde et de l’univers, mais c’est également l’œuvre qui créa l’univers Marvel tel que nous le connaissons. Si Stan Lee et Jack Kirby sont les auteurs qui ont donné leurs lettres de noblesses à cette famille de super-héros, d’autres auteurs ont offert aux lecteurs des aventures mémorables. Parmi eux le dessinateur/scénariste John Byrne, célèbre notamment pour son duo avec Chris Claremont sur les X-men, offrit un run d’une qualité remarquable. C’est de celui-ci que Flash nous parle maintenant.

C'est novembre, alors j'hiberne. Du coup, j'ai ressorti de mes cartons les FF de John Byrne avec la légère crainte d'un effet duschmoll...Bien heureusement ces craintes étaient infondées, ça cartonne. Déjà ça file à 100 à l'heure. Grosse Tête a toujours sous le coude trois intrigues en place pour un seul épisode, ce qui lui permet d'en bâcler certaines pour en privilégier d'autres et d'alterner entre l'impro et le plan quinquennal d'évolution de la série. Du coup, même un épisode faiblard comme celui où l'on découvre la légendaire Tante Pétunia, la description de celle-ci et des rapports familiaux avec Ben permettent de dynamiser une histoire de ville hantée un poil tarmoule. La première période de la série (jusqu'au n° 250, en gros) est ainsi une suite de one-shots ou de sagas en deux parties, dans lesquelles la continuité et la refonte des intrigues comme de la supporting cast se font en sous-main. On note que pour contrevenir à la règle du Big Boss Jim Shooter, qui avait mis un véto sur les arcs en trois parties, Byrne a habilement remanié la dernière partie de "sa" trilogie Galactus en faisant de son climax un flash-back plus intimiste. L'autre caractéristique de cette direction éditoriale réside dans la fortification de l'univers partagé : les FF étant centraux, Byrne s'amuse à dérouler la liste des guest-stars de la firme.


Ce qui ressort des premiers épisodes de Byrne, surtout lorsque l'on les compare à d'autres séries du bonhomme, c'est le réel intérêt (on peut même parler d'amour) pour les FF et leur univers. Avant les FF, Byrne se prenait pour Neal Adams, sous les ordres duquel il avait bossé dans les 70’s. Avec son arrivée sur le titre, il va commencer à se prendre pour l'héritier du King... ou plutôt de Lee&Kirby : on remarque que le titre reprend la forme des premiers épisodes, avec parfois deux histoires courtes dans un même numéro, ou un chapitrage avec titres tonitruants dans d'autres. De plus, Byrne utilise les uniformes de départ et passe en revue toutes les figures de la période classique : Diablo, Galactus, Black Panther, le Maître des Maléfices etc. D'un côté, il limite ses propres inventions, d'un autre, il fait montre d'un réel désir de revenir aux fondamentaux tout en les teintant d'un ancrage plus adulte et plus contemporain. C'est sur ce point que son run est clairement réussi : de par son style, opérant un grand écart entre cartoon et réalisme, il parvient à faire rencontrer les Fantastic Four avec d'autres influences graphiques et historiques. Ainsi, deux épisodes, celui concernant l'homme le plus puissant du monde, et celui sur le condamné à mort, évoquent respectivement Will Eisner et les EC Comics. Byrne y développe également des effets hérités de Dick Sprang, dans la création de personnages secondaires ou le relooking  discret des Quatre héros  : Red Richards affiche un front démesuré et Jane adopte une coiffure rétro. C'est par ailleurs la chouchou de Byrne qui n'hésite pas à la croquer d'une seule main et à la désaper plus que de raison. Mais il en profite également pour faire mûrir la donzelle qui d'otage professionnelle devient une héroïne en soi.

En fait, Byrne emprunte le chemin inverse de Mark Waid qui n'hésitera pas dans son manifeste du début des années 2000, à se foutre de la gueule de son prédécesseur et de son utilisation de Diablo. Cette contestation est logique, tant Byrne part du dessin, tandis que Waid se base sur l'écrit, pour caractériser ses personnages. Si Waid décortique la dynamique familiale, Byrne se sert des qualités graphiques des héros et les relie dès le départ aux formes élémentales. C'est pourquoi, la première partie passe par des changements physiques visant ensuite une évolution psychologique : Ben reprend sa peau de saurien des origines et révèle son inconscient (Ben désire rester la Chose pour garder Alicia), et le pouvoir de Jane, autrefois dessiné en pointillés, témoigne de la solidité de son caractère en étant dessiné en traits pleins. La maîtrise du démiurge Byrne de toutes les étapes de la confection (dont l'encrage qu'il reprend au vétéran Joe Sinnott), tant décriée par certains critiques, est en fait ce qui fait la force de son run, au même titre que le DD de Miller et le Thor de Simonson (les autres sommets du triangle terrible du Marvel période Shooter). Une vraie personnalité se dégage enfin d'un titre vivant dans les 70s sur les acquis du passé : si Byrne n'invente pas ou peu, il évite les figures devenues imposées (séparation de Jane et Red, Ben qui redevient humain, dissolution des FF) mais va pour le coup en créer d'autres (le deuxième enfant des Richards, la profusion des vrais-faux Dooms, la lignée Richard, les crises d'autorité de Jane). Un prix à payer afin qu'il dépoussière les héros en les faisant évoluer.





J'en étais donc aux épisodes de la Zone Négative, dont le fameux épisode en "format à l'italienne" -qui ne sert à rien mais bon, Byrne est comme ça, des fois il fait un caca nerveux formel-, qui dans mon souvenir étaient moyen plus. En fait, ils sont très bien, très marqués par la série originale de Star Trek (l'une des grosses influences de Byrne : j'ai remarqué également un écho à La Colère de Khan mais je ne me souviens plus de l'épisode) et SURTOUT, lorsque l'on lit les épisodes dans la foulée, on s'aperçoit que Byrne élabore un arc énorme qui va durer jusqu'au planant épisode 262 (le procès de Red Richard). Byrne est totalement en contrôle de la série et se permet tout (et certains, les sots, diront n'importe quoi) avec le quatuor de base et n'hésite pas ainsi à faire se chevaucher les intrigues, à utiliser des flash backs et à faire se conclure cette première grande partie du run dans une conclusion qui utilise toute l'immensité de l'univers Marvel afin de révéler le secret de l'existence (ou du moins la vision athée de Byrne, également emprunte de la philosophie zen de son paternel). C'est donc une succession de changements (les costumes des FF et le temps passé dans la zone), de morts (celle de Fatalis) et de prix à payer. La construction de Byrne est encore plus audacieuse aujourd'hui, en ces temps de TPB : il place les n° 257 et 262 autour de la destruction de l'empire skrull, intercale un interlude consacré à Fatalis dans le n° 258, et gicle Red durant quatre épisodes, tandis que ses acolytes affrontent Terrax. Byrne joue avec la temporalité fluctuante des comics tout en tenant à y intégrer une chronologie pensée. Surtout il accouche d'une deuxième phase de son run à l'opposée de la première, séparée en épisodes simples. Ici, il rend beaucoup plus visible ses partis-pris sur les personnages et leur évolution tout en réussissant une escalade dans les enjeux (retrouver leur dimension => combattre Annihilus  => affronter Fatalis ET Terrax => sauver Red du procès). Le revers, logique, est que la lecture y gagne, plus qu'auparavant, en continu, mais ces numéros sont encore réalisés "à l'ancienne" avec résumés et références, ce qui rend le tout comestible.





Après ce festival, Byrne va quelque peu merdouiller au cours de l'année 1984. Du n° 263 au 270, Byrne va aligner les numéros anecdotiques (l'arc où il se fout de la gueule de Neal Adams et de sa théorie de la "Terre Gonflable"), couillons (le masque de Fatalis qui attaque l'équipe) ou tout simplement mauvais (le nanaresque Terminus, un sous-Galactus de troisième ordre). De plus, même les one-shot sentent le pâté que ce soit le fill-in débile dessiné par Kerry Gammill et consacré à la Chose, qui aurait même fait tâche du temps des Marvel Two-In-One, ou l'expérimentation foirée du n°265 (une courte histoire en vue subjective). Pour autant, tout n'est pas à jeter dans cette période de transition : Byrne y bâcle l'action mais y soigne la caractérisation. Il profite ainsi du cross-over des Guerres Secrètes pour modifier un casting avec lequel on le sentait de plus en plus fatigué. Il en profite ainsi pour inclure sa chère Miss Hulk, qu'il pique à son pote Roger Stern, et Wyatt Wingfoot, le chef indien/quarterback/aventurier/tombeur de la miss sus-nommée. Surtout, il affirme le personnage d'Alicia qui d'utilité embarrassante condamnée à ne prononcer que deux phrases ("Ben, j'ai peur" et "Ben, je t'aime pour ce que tu es") en véritable femme, objet et maîtresse de ses désirs. C'est dans les scénettes intimes que Byrne se surpasse durant cette période. Enfin, il réussit de bout en bout un sublime épisode : le n° 267 qui se termine sur un sujet des plus sensibles. C'est avec une équipe remaniée et revigorée que Byrne attaque la dernière période de son run et l'entame avec l'anniversaire de Red Richard...


 Donc fin du run de Big Byrne sur les FF : le scénariste-dessinateur retrouve la patate durant les vingt derniers numéros, notamment grâce à la refonte de l'équipe et l'injonction de Miss Hulk qui remplace avantageusement la Chose, partie se friter dans son propre titre : elle écope même de son propre one-shot qui anticipe sa série régulière. Byrne alterne entre les différents membres du quatuor : il continue de solidifier le personnage de l'Invisible qui passe de "Girl" à "Woman", la romance entre Alicia et Johnny, et même Red qui est sans répit mis en difficulté par les ennemis du groupe afin d'éliminer ce pivot. Au niveau de l'action, Byrne renoue avec les voyages dans le temps. Ici, réside le lien entre les différentes aventures du groupe : découverte de réalités alternatives, manipulations du Beyonder dans la continuité, retour en 1936 (repompe de "City on the Edge of forever" mâtiné de Ubik). Seule la lutte contre Mephisto échappe à cette thématique, même si Byrne y ajoute un formalisme qui montre en parallèle le Jugement dernier (première moitié haute de la page) et la confrontation du triangle Chose/Alicia/Johnny (moitié basse). Car le dessin, après l'encrage grassouillet de la période précédente, retrouve également de sa superbe. Byrne partage enfin la réalisation avec les encreurs Jerry Ordway, Joe Sinnott et Al Gordon, qui embellissent considérablement le rendu (notamment Ordway qui rend un boulot brillant dans les épisodes des émeutes raciales à NY). Malheureusement, Byrne s'engueule de plus en plus avec ses collaborateurs, notamment Jim Shooter qui impose son Beyonder dans des scripts peu appropriés. Il lâche l'affaire comme un sagouin après un épisode intitulé "Central City ne répond plus", conçu comme un foutage de gueule autour d'un secret de mystère d'une énigme qui n'est jamais nommée ni décrite. A charge à Roger Stern de rattraper le merdier dans les épisodes suivants. En tout cas, je ne regrette pas la redécouverte : excepté le coup de mou du milieu, j'ai englouti le tout sans ennui. Même l'épisode lacrymal du garçon fan de la Torche, est bien passé, malgré un final bazardé.

Poutain, des fois, le comic-book c'est génial.

Flash Gordon

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