mardi 18 mai 2021

Star Trek : Deep Space Nine - 7ème partie : L'appel des armes

 



Dans les dernières minutes de Broken Link (4.26), Odo était condamné par son peuple à conserver sa forme humanoïde pour avoir tué l’un des sien. Mais durant ce procès, il découvre qu’un métamorphe a pris la place de Gowron, le chef suprême de l’Empire Klingon. Suite à cette révélation, Apocalypse Rising (5.01) voit donc Sisko, Odo, O’Brien et Worf s’infiltrer en territoire ennemi pour neutraliser l’espion. Mais le Dominion a volontairement fait croire à Odo que leur agent avait pris la place de Gowron alors que c’est en fait le général Martok (le même qui conduisit l’assaut contre Cardassia puis Deep Space Nine dans The Way of the Warrior) qui fut remplacé. Ils espéraient ainsi que Gowron soit tué et que le métamorphe sous l’apparence de Martok prenne sa place pour diriger l’Empire. Odo révèle la supercherie et l’espion se fait tuer par les Klingons, suite à cela Gworon reconsidère sa position vis à vis de Starfleet. S’il refuse de restituer les territoires envahis, un cessez-le-feu est proclamé et la voie diplomatique est maintenant privilégiée. Worf est par contre toujours bannis et Gowron promet qui le tuera de ses propres mains.

Avec la fin du conflit ouvert entre Starfleet et l’Empire Klingon, on pourrait croire que Deep Space Nine a effectué un retour en arrière causant alors quelques frustrations. Il n’en est rien, d’une part parce que la situation n’est pas celle du début de la quatrième saison, il y a un cessez le feu mais les Klingons occupent toujours des territoires conquis. Surtout, si Rick Berman et Ira Steven Behr ont du revoir leur plans initiaux pour intégrer les Klingons et le personnage de Worf, cela n’a pas pour autant mis en pause tout l’arc narratif lié au Dominion bien au contraire, la menace est, en fait, toujours présente et reste le moteur des décisions et des actions des personnages. De fait, après un début de saison consacrés aux Klingons, Behr et son équipe en arrivent à trouver le bon équilibre et de faire d’une décision commerciale un atout artistique. Avec le recul, on se rend compte que la quatrième saison a permis de poser un état de fait dans l’esprit des personnages tout comme dans l’inconscient des spectateurs : la période qu’ils vivent est instable et tout peut changer régulièrement. Les amis d’hier peuvent (re)devenir des ennemis pour ensuite se battre à nouveau à vos cotés contre une menace plus puissante. Le meilleur exemple est le personnage de Gul Dukat, l’ennemi principal de la série et adversaire de choix de Sisko et Kira. Déchu de son statut à la suite de l’invasion Klingon et de sa reconnaissance de la fille qu’il a eu avec une Bajorienne, le voila devenir simple pilote de cargo puis, à l’occasion d’un abordage audacieux (Return to grace), il deviendra le capitaine d’un oiseau de proie Klingon qu’il utilisera pour mener des actes de guérilla contre l’envahisseur. On pourrait croire que Dukat va dès lors faire partir du camp du bien mais il n’en est rien comme cette cinquième saison va se charger de nous le démontrer.

Rien n’est acquis, les événements passés nous l’ont montré et d’une saison construite sur des considérations multiples nous passons maintenant à une année qui va capitaliser et fructifier tout le bénéfice acquis précédemment.

 


 


On retrouve bien sur l’épisode annuel centré sur Miles O’Brien avec cette fois-ci The Assignment (5.05) qui voit Keiko O’Brien être possédé par un Pah-wraiths, une entité alien ennemie des Prophètes qui auront un rôle déterminant dans les dernières saisons de la série. On retrouve aussi des épisodes comiques avec Ferengi Loves Songs (5.20) dans laquelle Quark découvre que sa mère est devenue la maîtresse du grand Nagus Zek et gère grandement les affaires de l’alliance Ferengi ; Créée pour célébrer les trente ans de Star Trek, Trials and Tribble-ations (5.06) voit Sisko, Dax, O’Brien, Odo et Worf voyager dans le passé pour arrêter un criminel temporel décidé à tuer le capitaine Kirk. Un épisode aux effets spéciaux remarquable dans leur capacité à recréer le visuel de la série originale et dans sa manière de faire interagir les héros de DS9 avec les membres de l’Enterprise. On continue également de voir la lutte entre Starfleet et Le maquis à travers le terrible For the Uniform (5.13) dans lequel le capitaine Sisko nous montre ses pires cotés dans ce qui devient de plus en plus une vendetta personnelle contre l’ancien officier Michael Eddington. Le spectateur connaît désormais Sisko, sait qu’il est particulièrement intraitable et beaucoup plus pragmatique que Picard mais être capable de donner l’ordre d’empoisonner toute une planète pour capturer son rival est un acte d’une violence rare pour un membre de Starfleet, tant bien même l’ordre ne sera pas exécuté, Eddington acceptant de se rendre. Comme un acte de rédemption, le capitaine de DS9 viendra plus tard en aide à son ennemi et sa famille dans Blaze of Glory (5.23) qui voit l’anéantissement des dernières poches de résistance du Maquis par les troupes du Dominion.

Et de manière plus général, on retrouve des épisodes unitaires passionnants qui continuent à enrichir les personnages

 
Nor the battle to the strong (5.04) => Effectuant un reportage sur le Docteur Bashir, Jake va se retrouver dans un hôpital d’une colonie assiégée par les Klingons. Un moment important dans la carrière du jeune journaliste qui va découvrir qu’il y a une mince frontière entre le courage et la lâcheté. Le renversement du postulat classique qui voit le lâche effectuer une action glorieuse est tout l’intérêt du récit. Ici Jake se rend compte qu’il n’est pas brave mais au contraire terrifié par la guerre. La force de l’épisode réside enfin dans sa conclusion qui marque, probablement ici, le passage à l’age adulte du fils de Benjamin en le voyant publier la réalité du récit et de son propre comportement.

The Ascent (5.09) => Devant témoigner dans un procès, Quark est escorté par un Odo qui doute de son innocence dans cette affaire criminelle. Toutefois force est de constater qu’il se trompe après l’explosion de leur navette, les laissant isolé de tout sur une planète perdue. Un épisode dans lequel la détestation entre Odo et Quarx atteint des sommets. On remarquera, ici plus que dans d’autres épisodes, que la relation entre les deux personnages n’a jamais été conçu pour évoluer vers une amitié profonde et sincère. Les deux hommes ne s’aiment pas et cette aventure ne change pas la donne.

The Darkness and the light (5.11) => Kira découvre qu’un tueur élimine tout les membres de son ancienne cellule de résistance. Capturée, elle fait face à un Cardassien qui fut défiguré lors d’un attentat commis par son groupe. Un épisode qui explore de nouveau le thème de la violence du passé revenant hanter le soldat et permet encore une fois de développer le personnage de Kira dans son rapport à la violence et la nature ambivalente de ses actes.

 


 


Doctor Bashir, I presume (5.16) => Un épisode qui commence sur un ton léger avec un Bashir recevant le docteur Zimmerman suie à sa sélection pour devenir le prochain modèle de l’hologramme médical d’urgence (l’ancienne version, basée sur Zimmerman étant d’ailleurs le médecin du vaisseau Voyager dans la série Star Trek : Voyager). L’occasion de voir un Robert Picardo toujours aussi excellent dans son coté supérieur, pédant et outré et également le début de la romance entre Rom et Leeta la serveuse du bar de Quark. Deux personnages secondaires qui font parti du décor de la série et dont l’histoire d’amour contribue, la aussi, à rendre crédible la vie de la station en dehors des personnages principaux. Mais l’histoire va devenir beaucoup plus sérieuse et problématique quand on découvrira le secret de Bashir : celui-ci, enfant, fut modifié génétiquement par ses parents. Une intervention illégale dans le but de le « sauver » des problèmes physique et intellectuel qu’il rencontrait. Face à cette révélation et afin d’éviter que son fils démissionne de Starfleet, Richard Bashir prend la responsabilité de cet acte et accepte la peine d’emprisonnement.

Ties of blood and water (5.19) => Kira retrouve Tekeny Ghemor, un Cardassien dissident à qui ses ennemis avait fait croire qu’elle était sa fille cela afin de le piéger (dans l’épisode Second Skin de la troisième saison). Depuis ces événements, Kira a une certaine tendresse pour Ghemor et ce dernier, mourant, lui demande de l’accompagner dans ses derniers moments afin qu’il lui confie tout ses secrets. Un épisode qui explore à la fois l’aspect politique de la série (une lutte pour l’héritage du vieux Cardassien) la question de le rédemption (Kira découvre que son ami a participé au massacre de Bajorien) mais qui, surtout, s’attarde sur la question de la fin de vie confrontant Kira à la mort (non pas celle du à la guerre mais celle causé par maladie) d’un proche faisant écho à la mort de son propre père qu’elle refusa de voir alors.

Children of Time (5.22) => Un épisode magnifique et très représentatif de la manière dont Star Trek utilise des idées de science-fiction pour confronter ses personnages à un puissant dilemme moral. Le Defiant se retrouve bloqué sur une planète isolé et 200 ans le futur. L’équipage fait alors la rencontre de leurs descendants qui leur explique que suite à un accident quand ils tenteront de quitter la planète et de retrouver leur époque, ils se retrouveront dans le passé et dans l’impossibilité de partir. D’où la fondation de cette colonie composé notamment des descendants de Sisko, O’Brien, Bashir et Worf. Seul Odo et Dax sont toujours vivant. Désormais l’équipage du Defiant fait face à un choix, reproduire les circonstances qui les ont conduit à l’établissement de la colonie et voir mourir certains de leurs amis lors de cet événement (dont Kira) ou bien quitter la planète grâce à leurs connaissance actuelles permettant d’éviter l’accident et effacer alors cette réalité et ses êtres.

In the Cards (5.25) => Pénultième épisode de la saison. Histoire volontairement légère qui voit Jake et Nog négocier et rendre service à différents personnes de la station cela afin de récupérer une carte de base-ball pour l’offrir au capitaine Sisko. Un épisode qui apporte un peu de bonheur alors que les canons de la guerre sont prêt à retentir.

 

Car le sentiment qui transparaît le plus dans cette saison c’est bien entendu celui de l’imminence de la guerre contre le Dominion. Si la saison nous raconte une multitude d’histoires qu’on pourrait croire bien éloigné de l’arc principale, il n’en reste pas moins qu’au sein de ces derniers la présence de l’empire ennemi est toujours présente. Ainsi The Begotten (5.12) centré sur l’accouchement de Kira montre en parallèle la rencontre entre Odo et un « bébé » métamorphe. Ainsi les implications politique des révélations de Tekeny Ghemor dans Ties of blood and water inquiète le Dominion qui envoi un représentant pour tenter de faire taire le Cardassien. Ainsi Rapture (5.10) qui voit l’échec de l’intégration de Bajor à la Fédération sur l’avis de Sisko, une décisions dont on comprendra les réelles implication à la fin de la saison.

D’un point de vue esthétique, cette saison est celle du changement d’uniforme pour les officiers de Starfleet avec l’introduction de vêtements plus sombre dans laquelle la couleur est très discrète. Si le changement s’opère pour être en cohérence avec le film Star Trek : First Contact qui sort au même moment (et dans lequel Worf et le Defiant font acte de présence contre les Borgs), il apparait pas moins qu’il renforce le caractère martial et guerrier de la série. On retrouve enfin des épisodes centrés sur le Dominion tel que The Ship (5.02) qui nous montre l’emprise total qu’on les métamorphes sur les Vortas et les Jem’Hadar etc. Mais le surplace n’étant pas le fort de la série, Ira Steven Behr vont faire accélérer les choses en profitant de la mi-saison pour diffuser un double-épisode qui va, la encore, redistribuer les cartes et pousser les limites de ce qu’il est possible de faire dans Star Trek.

 


 


Au début de In Purgatory’s Shadow (5.14), Deep Space Nine reçoit un message de détresse emmenant du quadrant Gamma. Après l’avoir décodé, Garak découvre que son expéditeur n’est autre qu’Enabran Tain, son mentor et le chef de l’Ordre Obsidien. Or Tain est censé être mort deux ans auparavant lors de la tentative d’attaque sur le Dominion par les forces conjointes des Cardassiens et des Romuliens (événements vus dans le double épisode de la troisième saison, Improbable Cause/The Die is Cast). Décidé à savoir ce qui se trame Garak et Worf partent dans le quadrant Gamma et découvrent alors une flotte immense du Dominion prêt à traverser le vortex pour envahir le quadrant Alpha. Ils ont néanmoins pu envoyer un message à Sisko avant de se faire capturer. Face à la puissance de l’armada, Sisko décide de fermer le vortex quitte à sacrifier Worf et Garak. Ces derniers, emprisonnés, retrouve un Enabram Tain mourant qui décédera peu après non sans avoir fait la paix avec Garak, son meilleur élève mais également son fils.

Sur DS9 c’est la stupeur, alors que Sisko avait fermé le vortex, voila que celui-ci s’ouvre et que les forces du Dominion envahissent le secteur. L’explication ? Il y a un métamorphe à bord de la station. Révélation que Garak et Work découvre au même moment car parmi les autres prisonniers de leur lieu de détention se trouve le général Martok (le véritable Martok donc) mais surtout Julian Bashir. Le bon docteur est emprisonné ici depuis un mois, c’est donc un imposteur dont nous suivons les aventures depuis quelques épisodes. Ça n’a l’air de rien aujourd’hui mais à l’époque, voila un événement qui fit bouger les lignes quand à ce qu’il était possible de faire dans Star Trek. Montrer qu’un personnage du casting régulier n’était pas celui qu’on pensait être, même pour quelques épisodes, marqua les esprits et ouvrit la voie pour une exploitation à grande échelle de l’idée dans la décennie suivante (si vous me dites « Battlestar Galactica » vous avez gagné)

Suite directe, By Inferno’s Light, voit la flotte du Dominion arriver dans le quadrant Alpha mais au lieu d’attaquer Deep Space Nine, celle-ci fait route vers Cardassia pour libérer cette dernière de l’envahisseur Klingon. Il s’avère en fait que le bon Dukat négocie avec le Dominion depuis des mois pour faire en sorte que les Cardassiens rejoignent le Dominion. Ces derniers ont dès lors une tête de pont dans le quadrant Alpha, tandis que Cardassia chassent les Klingons et détruisent le Maquis. Dukat quand à lui à chasser le gouvernement civil et devient le nouveau dirigeant de son peuple. Le double épisode se conclue avec l’échec du Dominion pour détruire DS9, Bajor et une flotte conjointe de Starfleet, des Klingons et des Romuliens (cela grâce au retour de Worf, Garak et Bashir révélant alors l’imposture), l’alliance reformé entre Starfleet et les Klingons (qui décide de laisser une force permanente de vaisseaux menée par Martok pour protéger la station) et le début d’une drôle de guerre contre le Dominion.

Une guerre larvée, faite de petits conflits et escarmouches mais qui prendra toute son ampleur dans le final de la cinquième saison, Call to Arms, quand le Dominion et Cardassia décideront d’attaquer Deep Space Nine. Mais préparé à celle-ci, Sisko et Starfleet minent le vortex bloquant tout renfort venant du quadrant Gamma, attaquent les chantiers navals des Cardassiens ralentissant dès lors toute réparation ou construction de vaisseau et quittent Deep Space Nine non s’en promettre leur retour.

 


 


Trois mois plus tard, la sixième saison débute sur les chapeaux de roue avec une série d’épisode liés par le conflit ouvert entre Starfleet et le Dominion. A cette occasion la narration est scindée en deux lieux et deux groupes. D’une part la flotte de Starfleet qui tente de combattre le Dominion sur différents théâtres d’action, de l’autre Deep Space Nine et ses résidents qui vivent avec l’occupation de l’ennemi. Si les aventures de Sisko et de ces hommes sont intéressants, c’est surtout les histoires de l’occupation de DS9 qui sont les plus passionnantes puisqu’ils permettent de voir comment les différents résidents s’acclimatent du changement. Sauvé par son refus de rejoindre Starfleet, Bajor n’est donc pas envahi par le Dominion. La situation est différente mais Kira doit donc travailler avec son ennemi de toujours au point qu’elle se rend compte qu’elle devient ce qu’elle a toujours haïe, une collaboratrice. Passé cette prise de conscience, elle décide de monter une cellule de résistance au sein de la station. Elle est aidé en cela par Jake Sisko, resté sur la station en tant que journaliste, Rom et Odo. Toutefois ce dernier fera faux bond à Kira quand un autre métamorphe arrivera sur la station et lui montrera tout l’étendu du lien qui existe entre les membres de leur races. En six épisodes, les scénaristes de Star Trek : Deep Space Nine changent encore une fois la donne de la série et innovent : ils cassent l’unité du groupe que ce soit de manière physique avec la flotte de Starfleet d’une part et DS9 de l’autre mais aussi spirituellement avec un Odo prêt à trahir ses amis ou une Kira proche de la collaboration.

Si Sisko et ses troupes récupèrent Deep Space Nine à l’occasion d’une offensive audacieuse qui en arrive même à faire impliquer les Prophètes, les traces de cette période resteront encore un temps. On pourra toutefois regretter qu’elles ne seront pas forcément trop marqués et durable. On touche peut-être ici au limite de la franchise et d’une période qui ne permettait pas forcément d’aller encore plus loin. D’un point de vue narratif toutefois, la série s’est permise beaucoup de chose à cette occasion en terme de structure de son récit. On change le lieu, pourtant immuable donnant même le titre à la série, on s’éloigne de l’épisode bouclés, et on suit un grand fil rouge prégnant. Encore une fois cela n’a l’air de rien aujourd’hui mais cette façon maligne de modifier la série en fait sa spécificité et sa grandeur et essaimera des petits par la suite.

Après la bataille pour la libération de Deep Space Nine, la série semble prendre une pause et retourne à des épisodes à l’intrigue bouclées. Les événements heureux font même croire à une ambiance de légèreté assez inédit dans la série. Mais ça serait se tromper que de penser que Star Trek : Deep Space Nine a épuisée toute ses cartouches. Sans que l’on s’en doute, voila qu’elle se prépare à nous asséner un uppercut d’une puissance phénoménal avec rien de moins que le meilleur épisode de la série et l’un des plus beau hommage à la science-fiction en tant que genre littéraire et vecteur de la puissance de l’imagination sur la civilisation.

 


 


Prochaine épisode : Au delà les étoiles

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